Accepter la pauvreté de notre prière…

Le développement le plus significatif de la vie contemplative « dans le monde », c’est l’émergence de petits groupes d’hommes et de femmes qui vivent à tous égards comme les laïcs de leur entourage, à part le fait qu’ils sont consacrés à Dieu et centrent toute leur vie de travail et de pauvreté sur la contemplation. C’est ainsi que sont nées les Fraternités des Petits Frères de Jésus… La seule chose qui distingue leur habitat de celui de n’importe quel autre travailleur, c’est le fait qu’il s’y trouve un autel, un tabernacle et le Saint Sacrement… Ce dernier est le cœur vivant de leur vie contemplative. Ils passent le plus possible de leur temps libre en adoration silencieuse devant le tabernacle, de jour ou de nuit. Naturellement, comme l’a souligné leur supérieur, le frère René Voillaume, ils doivent s’attendre à la pauvreté là aussi et pleinement l’accepter dans leur contemplation. Leur vie est celle des pauvres à tous égards, leur prière doit donc l’être également ; d’où par conséquent des distractions, la lassitude, l’incapacité à méditer, le manque de ferveur sensible, le désarroi, la faiblesse, et même, apparemment, l’échec. Mais c’est ici le lieu de citer quelques mots sur ce sujet dus à la plume de René Voillaume :

« Votre constante inquiétude est de savoir comment trouver dans votre vie les conditions d’une prière authentique et comment vous y prendre pour vous y livrer généreusement. Il vous est même peut-être arrivé de douter, à certains moments, que ce soit possible. Devant la gravité de ce problème, j’avoue m’être senti parfois comme à l’entrée d’un chemin inconnu, d’un sentier terriblement étroit et dangereux. Avais-je le droit de vous y pousser ? Mais comment faire autrement…

Les chemins les plus abrupts sont souvent les meilleurs, les plus rapides, car ils sont peu propices à la flânerie en cours de montée… Il faut en prendre notre parti ; à l’heure de la prière, nous serons la plupart du temps incapables de méditer, de penser. Et toute la question est de savoir si une autre voie s’offre à nous pour rejoindre Dieu dans la prière…

Nous allons à Dieu de tout notre être, comme nous le pouvons. Nous y allons d’abord par toutes nos activités humaines que surnaturalise la présence de la grâce en nous. Mais déjà, et de plus en plus, c’est la foi, l’espérance et la charité vivantes en nous qui nous portent en Dieu même. Là, il vous faudra beaucoup de courage. Mais il faut savoir que de tels actes ne dépendent pas des impressions sensibles et « consolées » que nous en avons. Il vous suffit de savoir que nous sommes Fils de Dieu, et que nous voulons nous donner à Lui. La meilleure partie de notre être n’est pas celle que nous pouvons sentir » (René VOILLAUME, Au cœur des masses, Ed. du Cerf, 1950).

Extrait de « L’expérience intérieure » de Thomas Merton

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