Allocution de Jean Paul II sur l’interprétation de la Bible dans l’Eglise 23 Avril 1993

Elle fut prononcée à l’occasion du centenaire de l’encyclique Providentissimus Deus (PD) et du cinquantenaire de Divino afflante Spiritu (DAS).

Rappels :

– En 1902 Léon XIII crée la commission biblique.

– En 1909 Pie X fonde l’Institut Biblique.

– En 1920 Benoît XV célèbre le 1500° anniversaire de la mort de St Jérôme par une encyclique sur l’interprétation de la Bible.

– Importance de Dei Verbum (DV) lors du Concile Vatican II.

PD a voulu protéger l’interprétation catholique de la Bible contre les attaques de la science rationaliste, à une époque marquée par de virulentes polémiques contre la foi de l’Église. Au lieu de jeter l’anathème sur l’utilisation des sciences dans l’interprétation de la Bible, l’encyclique invite instamment les exégètes catholiques à acquérir une véritable compétence scientifique de façon à surpasser leurs adversaires sur leur propre terrain

« Le premier moyen de défense se trouve dans l’étude des langues anciennes de l’Orient ainsi que dans l’exercice de la critique scientifique ».

DAS a réagi face aux attaques qui s’opposent à l’utilisation de la science par les exégètes et qui veulent imposer une interprétation non scientifique, dite « spirituelle », des Saintes Ecritures. Elle a constaté la fécondité des directives données par PD:

« Grâce à une meilleure connaissance des langues bibliques et de tout ce qui concerne l’Orient,… un bon nombre des questions soulevées au temps de Léon XIII contre l’authenticité, l’antiquité, l’intégrité et la valeur historique des Saints Livres… se trouvent aujourd’hui débrouillées et résolues. »

(5) D’autre part, Pie XII

– a souligné la portée « théologique » du sens littéral, méthodiquement défini

– et a affirmé que le sens spirituel, pour pouvoir être reconnu comme sens d’un texte biblique, doit présenter des garanties d’authenticité: on doit pouvoir montrer qu’il s’agit d’un sens « voulu par Dieu Lui-même ». La détermination du sens spirituel appartient donc, elle aussi, au domaine de la science exégétique.

Ainsi DAS et PD refusent la rupture entre l’humain et le divin, entre la recherche scientifique et le regard de foi, entre le sens littéral et le sens spirituel, demeurant ainsi pleinement en harmonie avec le mystère de l’Incarnation.

(6) « De même que la Parole substantielle de Dieu s’est faite semblable aux hommes en tous points, excepté le péché, ainsi les Paroles de Dieu, exprimées en des langues humaines, se sont faites semblables au langage humain en tous points, excepté l’erreur » (DAS 559; cf Dei Verb.13).

Les écrits inspirés de la Première Alliance tout comme ceux de la Nouvelle constituent un moyen vérifiable de communication et de communion entre le Peuple croyant et Dieu, Père, Fils et Saint Esprit. Ce moyen ne peut assurément pas être séparé du fleuve de vie spirituelle qui jaillit du coeur de Jésus crucifié et qui se propage grâce aux sacrements de l’Eglise. Il a néanmoins sa consistance propre, celle précisément d’un texte écrit qui fait foi.

(7) Ainsi, les exégètes catholiques doivent rester en pleine harmonie avec le mystère de l’Incarnation. L’Eglise prend au sérieux son réalisme et c’est pour cette raison qu’elle attache une grande importance à l’étude historico-critique.

(8) DAS a particulièrement recommandé l’étude des genres littéraires, mue par le souci de comprendre le sens des textes avec toute l’exactitude et la précision possible, dans leur contexte culturel historique. Certains chrétiens pensent que Dieu étant l’Etre absolu, chacune de ses paroles a une valeur absolue, indépendamment de tous les conditionnements du langage humain. Il n’y a donc pas lieu selon eux d’étudier ces conditionnements pour opérer des distinctions qui relativiseraient la portée de ces paroles.

Mais Dieu, créateur de l’étonnante variété des êtres, loin d’écraser toutes leurs différences et leurs nuances, les respecte et les valorise. Lorsqu’il s’exprime dans un langage humain, il ne donne pas à chaque expression une valeur uniforme, mais il en utilise les nuances possibles avec une souplesse extrême et il en accepte également les limitations. C’est ce qui rend la tâche des exégètes si complexe, si nécessaire et si passionnante! Aucun des aspects humains du langage ne peut être négligé.

Cependant cette étude ne suffit pas. Loin de s’en tenir aux aspects humains du texte biblique, il faut aussi et surtout aider le peuple chrétien à percevoir plus nettement dans ces textes la parole de Dieu, de façon à mieux l’accueillir, pour vivre pleinement en communion avec Dieu. A cette fin, il est évidemment nécessaire que l’exégète lui-même perçoive dans les textes la parole divine et cela ne lui est possible que si son travail intellectuel est soutenu par un élan de vie spirituelle.

Faute de ce soutien, la recherche exégétique perd de vue sa finalité principale en se confinant dans des tâches secondaires; elle peut alors faire oublier que la Parole de Dieu invite chacun à sortir de lui-même pour vivre dans la foi et la charité.

« Les Livres saints ne peuvent être assimilés aux écrits ordinaires, mais, puisqu’ils ont été dictés par l’Esprit Saint lui-même et ont un contenu d’extrême gravité, mystérieux et difficile sous bien des aspects, nous avons toujours besoin, pour les comprendre et les expliquer, de la venue de ce même Esprit Saint, c’est à dire de sa lumière et de sa grâce, qu’il faut assurément demander dans une humble prière et conserver par une vie sanctifiée » (DAS 89).

Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu.

(10) La docilité à l’Esprit Saint produit et renforce une autre disposition, nécessaire pour la juste orientation de l’exégèse: la fidélité à l’Eglise. Ces textes n’ont pas, en effet, été donnés aux chercheurs individuels, « pour la satisfaction de leur curiosité ou pour leur fournir des sujets d’étude et de recherche » (DAS 566), mais à la communauté des croyants, à l’Eglise du Christ, pour nourrir la foi et guider la vie de charité. Le respect de cette finalité conditionne la validité de l’interprétation.

« Tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Ecriture est finalement soumis au jugement de l’Eglise, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la Parole de Dieu et de l’interpréter » (DV 12); il n’en reste pas moins vrai qu’il « appartient aux exégètes de s’efforcer … de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Ecriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l’Eglise » (PD; DV 12).

(11) Les exégètes auront à coeur de rester proches de la prédication de la Parole de Dieu, pour éviter de se perdre dans les méandres d’une recherche scientifique abstraite, qui les éloignerait du vrai sens des Ecritures, un sens inséparable de leur finalité qui est de mettre les croyants en relation personnelle avec Dieu.

(13) Le document actuel, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, frappe par:

– son ouverture d’esprit: en commençant par la base historico-critique, dégagée de présupposés philosophiques ou autres contraires à la vérité de notre foi, elle met à profit toutes les méthodes actuelles, en cherchant dans chacune « la semence du Verbe ».

– son équilibre et sa modération; diachronie et synchronie se complètent de façon indispensable.

L’exégèse catholique s’efforce de mettre en lumières et les aspects humains de la révélation biblique et ses aspects divins, unis dans la divine « condescendance » (DV 13).

– Enfin, la Parole biblique agissante s’adresse universellement dans le temps et dans l’espace à toute l’humanité. Si la tâche première de l’exégèse est d’atteindre le sens authentique du texte sacré ou même ses différents sens, il faut ensuite qu’elle communique ce sens au destinataire de l’Ecriture Sainte qui est, si possible, toute personne humaine.

Un processus constant d’actualisation s’efforcera aussi de retraduire la pensée biblique dans le langage contemporain.

Tous les moyens possibles doivent être utilisés pour que la portée universelle du message biblique soit largement reconnue et que son efficacité salvifique puisse se manifester partout.

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