Avec le Christ, la Loi Nouvelle de l’Amour succède à la Loi de Moïse et l’accomplit (Lc 5,27-6,11)

Dieu-est-amour2Après avoir remporté la victoire sur le tentateur (Luc 4,1-13), Jésus est retourné en Galilée avec la puissance de l’Esprit Saint (Luc 4,14) et il a commencé à annoncer aux hommes la Bonne Nouvelle : Dieu est Amour (1Jean 4,8.16) et il est Tout Proche (Marc 1,14-15 ; Matthieu 4,17). Il est ainsi depuis toujours et pour toujours. Son éternelle Bienveillance est le vrai Soleil de notre vie (Psaume 84(83),12-13). Son Amour insondable est Miséricorde toujours offerte et sans limites pour les pécheurs que nous sommes (2Corinthiens 1,3 ; Jacques 5,11 ; Jude 1,21 ; 1,2) ; il est délivrance et liberté pour tous ceux et celles qui se débattent dans les filets du péché (Luc 4,18 ; Jean 8,31-36), Lumière pour nos cœurs aveuglés (Luc 4,18 ; Jean 8,12; 12,46), soulagement et grâce lorsque nous connaissons le combat ou l’épreuve (Luc 4,18 ; 2Corinthiens 1,3-5). Tout commence donc et recommence sans cesse dans notre vie chrétienne par « Dieu qui fait miséricorde » (Romains 9,16 ; Luc 1,76 79) et qui par son action gratuite, aimante et souveraine nous donne la possibilité de mener une vie nouvelle, dans sa Paix (1Pierre 1,3 ; Tite 3,5 ; Ephésiens 2,4-10). Voilà ce que Jésus va annoncer ; voilà le trésor qu’il s’agit de découvrir dans notre cœur et dans notre vie (Matthieu 13,44 ; 2Corinthiens 4,5-7), la source du vrai bonheur. Et Jésus insistera beaucoup par la suite sur ce dernier point : « heureux… », répété quatre fois (Luc 6,20-23), malgré toutes les souffrances que nous pouvons connaître en ce monde… Et il invitera ensuite tous ceux et celles qui auront accueilli, vécu, expérimenté cette Bonne Nouvelle à la partager autour d’eux en témoignant de tout ce bien que Dieu ne cesse de nous faire dans sa miséricorde (Marc 5,19). Ce témoignage se fera bien sûr en paroles, mais surtout par notre attitude qui devrait être un reflet de celle de Dieu : puissions-nous vraiment « faire miséricorde » (Matthieu 9,13 ; 12,7 ; 23,23 ; Luc 10,36-37) comme Dieu nous « fait miséricorde » …

bonne nouvelleEn Luc 4,14-44, St Luc nous présente en raccourci toute la mission de Jésus : « Il me faut annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu » à tous les hommes, « car c’est pour cela que j’ai été envoyé » (Luc 4,43). Cette mission, le Christ ressuscité la poursuit aujourd’hui encore avec son Église et par elle (Matthieu 28,16-20). Voilà ce qui se préparait déjà lorsqu’il appela ses quatre premiers disciples (Luc 5,1-11), puis Matthieu (ou Lévi, Luc 5,27-28), puis tous les autres. Plus tard, ils rendront témoignage à cette Miséricorde dont ils ont été eux-mêmes les heureux bénéficiaires (Luc 5,8 ; 22,61 ; et pourtant : Luc 22,32 ; Matthieu 16,15 19 ; Jean 21,15-17). Ils raconteront aussi toutes les œuvres de Miséricorde qu’ils auront vu s’accomplir par la bouche et les mains de Jésus : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » (Luc 7,22)… Et le Christ mort et ressuscité agira avec eux et par eux pour le salut du monde entier (Matthieu 16,20 ; Romains 15,17-19 ; Actes 14,27 ; 15,4 ; 21,17-19)…

La Loi Nouvelle d’Amour et de Liberté instaurée par le Christamour

Dieu est Amour. Il ne sait qu’aimer, il ne fait qu’aimer. Pour vivre en harmonie avec Lui, Il ne demande qu’une seule chose : que nous nous détournions du mal pour nous tourner vers Lui et nous aimer les uns les autres comme Lui nous aime (Jean 13,34; 14,12.17; Luc 10,25-28). Si tel est le cas, alors l’homme sera vraiment « à son image et ressemblance » (Genèse 1,26-27). Mais laissé à ses seules forces d’homme, cette aventure est pour lui impossible. Aussi Dieu a-t-il envoyé son Fils dans le monde : Lui qui existe depuis toujours (Jean 1,1), Lui qui est « né du Père avant tous les siècles » (Crédo), il est né « homme » du Père et de Marie, grâce à l’action de l’Esprit Saint (Luc 1,35). Avec Lui, une humanité nouvelle se lève : « vrai homme », il vit l’Amour dans notre condition d’homme et nous montre ainsi le chemin. Et pour que nous puissions vraiment le suivre et marcher sur ses traces, Il nous invite à venir à Lui, à croire en Lui, à nous abandonner entre ses mains et c’est Lui qui fera ce que nous, nous ne pouvons pas : il nous baptisera dans l’Esprit Saint (Luc 3,16) et nous donnera ainsi de « renaître de l’eau et de l’Esprit » (Jean 3,3-8). Et petit à petit, jour après jour, cet Esprit reçu, un Esprit qui est Amour et qui communique l’Amour (Romains 5,5), nous apprendra et nous donnera d’aimer comme Dieu aime : « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux ! » (Luc 6,36).

aimer c'est tout donnerCet unique commandement de l’amour balaie d’un seul mot, « Aime ! », toutes les barrières que les hommes peuvent dresser entre eux et il les introduit dans l’espace d’une incroyable liberté où tout est accueil, don et gratuité…

Dans l’Ancien Testament, cette perspective était déjà présente dans la simple chronologie des faits. Après avoir créé l’homme à son image et ressemblance, Dieu se présente comme Celui qui vit en Alliance avec chacun d’entre eux (Genèse 9,8-17). Il les aime, et il sera toujours pour eux le Tout Proche pour les conduire, s’ils l’acceptent, sur des chemins de vie et de bonheur. Et pour mener à bien ce projet, Il se choisira un homme, Abraham. De lui naîtra un Peuple appelé à servir Dieu (Isaïe 41,8-9) pour que sa bénédiction puisse atteindre toutes les familles de la terre (Genèse 12,1 3). Six siècles plus tard, les descendants d’Abraham seront réduits en esclavage par un Pharaon assoiffé de pouvoir. Ils connaîtront l’oppression et la souffrance. Mais Dieu ne va pas rester sourd à leurs cris de détresse : fidèle à son Alliance (Exode 2,23-25), il « descendra » du ciel et avec Moïse, les sauvera de la servitude pour les conduire vers une terre « ruisselant de lait et de miel » (Exode 3,7 10). Le don de la Loi au sommet du Mont Sinaï intervient après cette libération gratuite opérée de par la seule initiative de Dieu et grâce à sa Toute Puissance (Exode 20,1-17). C’est donc un peuple libéré et sauvé qui reçoit de Dieu la Loi : elle sera pour eux un guide pour marcher en sauvés sur des chemins de liberté. Il ne s’agit donc pas de pratiquer la Loi pour être sauvé, mais bien le contraire : il faut tout d’abord être sauvé par Dieu, gratuitement, par amour. Puis Dieu propose à son Peuple sa Loi, et c’est à Lui de choisir : obéira-t-il pour trouver dans cette obéissance à son Dieu la vraie liberté, le bonheur et la vie, ou bien retournera-t-il par sa désobéissance sur des chemins d’esclavage et de mort (Deutéronome 30,15-20) ?

amour de dieuLe Nouveau Testament ira encore plus loin. Il ne suffit pas en effet de vivre en liberté, de connaître la Loi de Dieu et de vouloir la mettre en pratique pour qu’il en soit effectivement ainsi. L’homme découvre au plus profond de lui-même une force d’opposition qui l’entraîne parfois sur des chemins contraires. Sa volonté elle-même est vacillante : « vouloir le bien » ne suffit pas (Romains 7,14-25)… Il faut une libération profonde et toute une rééducation intérieure pour apprendre, avec le temps, à rejeter vraiment le mal pour choisir le bien et le mettre effectivement en pratique. Cette œuvre est celle de toute une vie, mais tel est le grand cadeau que Dieu est venu nous apporter avec son Fils et par Lui : une libération intérieure de toutes les forces du mal. Si nous le laissons faire en nos cœurs, rien ne pourra lui résister. Il nous arrachera de la main de tous nos ennemis (Baruch 4,21-22 ; Psaume 91(90) ; Luc 1,76-79), et notamment de l’emprise du Prince de ce monde (Isaïe 49,24-25 ; Luc 1,68-75 ; Colossiens 1,13-14 ; Galates 1,3-5) et il nous gardera en Lui, auprès de Lui (Jean 10,27-30). Alors, sa Lumière chassera nos ténèbres (Matthieu 4,16 ; Jean 1,5 ; 8,12 ; 12,35-36 ; 12,46 ; Actes 26,17 18 ; 2Corinthiens 4,6 ; Ephésiens 5,8-11 ; Colossiens 1,13-14 ; 1Pierre 2,9 ; 1Jean 2,8-11), son Pardon balaiera toutes nos fautes (Nombres 14,19-20 ; Néhémie 9,17 ; Psaume 86(85),5 ; 32(31),5 ; 103(102),1-4 ; Jérémie 31,34 ; 33,8 ; Ezéchiel 16,62-63 ; Michée 7,18 ; Luc 23,34 ; Ephésiens 4,32 ; Colossiens 3,13 ; 1Jean 1,9), et sa Vie remportera la victoire sur toute forme de mort (Job 33,29 30 ; Jean 6,40 ; Romains 6,23 ; 8,2 ; 8,9-11 ; Colossiens 2,13) …

main de dieuCe n’est donc pas par ses propres efforts que l’homme est sauvé ! Bien au contraire, tout est grâce (Relire Ephésiens 2,4-10) ! Dieu nous donne son Fils, comme Sauveur (Luc 2,10-11 ; Jean 3,16-17), Il nous attire à Lui (Jean 6,44 et 6,65), et Il nous donne encore par son Esprit de le découvrir, de le connaître (Matthieu 16,15-17), de croire en Lui (1Corinthiens 12,3). Alors nous recevrons de Lui le pardon de toutes nos fautes (Luc 1,76-77 ; 5,20…) pour repartir avec Lui sur des bases nouvelles, soutenus par Celui qui est toujours Miséricorde infinie… Puisqu’Il est ainsi, l’aventure chrétienne est donc possible. A nous de lui dire « oui », comme Marie, et de mettre tous nos efforts, soutenus par sa grâce, à demeurer fidèles à cette grâce qui nous est donnée…

L’opposition des Pharisiens et des scribes

A l’époque de Jésus, de nombreux scribes et Pharisiens avaient une attitude résolument contraire. Leur raisonnement était le suivant :

– La Loi est l’expression de la volonté de Dieu (Psaume 119(118), versets 1-8 ; 16-18 ; 33-35 ; 54-56 ; 71-72…). Elle est bonne, juste, sainte et spirituelle (Romains 7,12.14), ce qui est vrai : les « Dix Paroles » (Exode 20,1-17) demeurent valables jusqu’à la fin des temps (Matthieu 5,17-19) … Mais la Tradition orale d’Israël s’était chargée au fil des siècles de quantités d’observances purement humaines et parfois contraires à l’esprit de la Loi : Jésus les dénoncera vigoureusement (Marc 7,1-13; Matthieu 23,16-22).

– La Loi est à la portée de l’homme (Deutéronome 30,11-14) ; il peut la lire, l’étudier, chercher à bien la comprendre, ce qui est toujours vrai…

– Mais leur conclusion était loin d’être exacte. Ils pensaient en effet qu’il suffit à l’homme d’observer tous les commandements de la Loi pour se présenter « juste » devant Dieu. Ses bonnes œuvres lui ont alors « mérité » sa justice …

Dans un tel schéma, la sainteté apparaît comme le résultat de nos seuls efforts et les saints comme des êtres exceptionnels, parfaits en tout, d’un courage exemplaire, poursuivant le bien sans relâche sans jamais connaître la faiblesse, les limites ou l’échec… La conclusion arrive vite : la sainteté est une aventure réservée… aux autres !
De plus, il est très facile, dans une telle démarche, de tomber dans l’orgueil : j’ai fait beaucoup d’efforts, j’ai jeûné, j’ai peiné, j’ai souffert, j’ai bien mis en pratique tout ce la Loi me demande, je suis donc quelqu’un de bien, je mérite maintenant la palme de la victoire… Le « je » est à la première place : le regard est tourné vers soi, et non vers Dieu ou vers les autres… Telle est l’attitude de celui qui se glorifie . Et pourtant, écrit St Paul, « où est le droit de se glorifier ? Il est exclu » (Romains 3,27). Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « Le mot grec » traduit ici par se glorifier « définit l’attitude de l’homme qui se fait un mérite de ses œuvres, s’appuie sur elles et prétend accomplir sa destinée surnaturelle par ses propres forces. Attitude blâmable, car on ne conquiert pas la justice, on la reçoit comme un don. Et l’acte de foi, plus que n’importe quel autre, exclut une telle suffisance, parce que l’homme y atteste explicitement sa radicale insuffisance ».

Le Pharisien orgueilleux se juge donc lui-même : il est à ses yeux un homme juste, parfait, et saint, bien différent du « reste des hommes qui sont rapaces, injustes, adultères ». Et s’il se juge lui-même (cf 1Corinthiens 4,3-5), il va aussi juger les autres selon ses propres critères et ce sera encore pour lui l’occasion de se glorifier, en se déclarant indirectement meilleur que tous ceux et celles qu’il juge (Luc 18,9-14) ! De telles attitudes entraînent discordes, séparations, divisions… Bref, tout le contraire de ce que Dieu désire pour la famille humaine (Matthieu 7,1-5 ; Luc 6,36 42 ; Romains 2,1). Dieu, de son côté, ne juge jamais au sens de « condamner » (Jean 3,16-18 ; 5,22-24 ; 8,10-11 ; 8,15 ; 12,47). « Juger » pour Lui, c’est faire la vérité, mais cette vérité n’est jamais séparée avec Lui de l’Amour et de la Miséricorde (Psaume 85(84),11). Contrairement aux hommes qui font la vérité pour condamner, Dieu, Lui, fait la vérité pour pardonner, purifier, sauver et donner la Liberté à celui qui était prisonnier du péché, donner la Vie à celui qui, par ses actes, s’était engagé sur un chemin de mort. « Ce n’est pas la mort du pécheur que je désire, mais qu’il se convertisse et qu’il vive ! » (Ezéchiel 33,11 ; 18,23). Ce cri retentit dans toute la Bible…

qu'est ce que la MiséricordeEnfin, « le Pharisien orgueilleux » est en fait seul avec lui-même et avec la Loi. Dieu n’intervient pas ! La seule chose qui compte pour lui est d’obéir aveuglément au commandement, au risque de ne plus comprendre le « pourquoi » du commandement … Il croit bien agir, il se flatte d’être le guide des aveugles (Romains 2,17-24), mais il est lui-même dans les ténèbres (Jean 9,40-41)… De plus, à l’époque de Jésus, un bon Pharisien se devait de mettre en pratique, toujours et partout, 613 commandements (365 interdictions et 248 prescriptions), ce qui est humainement impossible. Un homme droit et vrai aurait dû le reconnaître humblement ; la Loi lui aurait alors servi de « pédagogue » (Galates 3,23 28) au sens où elle l’aurait aidé à prendre conscience de son péché (Romains 3,19-20), de sa faiblesse, de son incapacité à faire le bien toujours et partout, et donc de la nécessité pour lui d’être sauvé par un Autre… Mais hélas, beaucoup de Pharisiens, tout en sachant qu’ils étaient infidèles, refusaient de le reconnaître en vérité (Jean 8,7-9 ; Luc 5,8). Ils montraient « beau visage », ils avaient belle apparence (Matthieu 23,27 28), et ils enseignaient ce qu’ils ne pratiquaient pas eux-mêmes ! « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrer ceux qui le voudraient ! » En effet, « ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt » (Matthieu 23,13-14 ; 23,1-4). Et à tous ceux et celles qui, pleins de bonne volonté, se désespéraient de ne pas réussir à porter ce fardeau de la Loi, Jésus dira : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » (Matthieu 11,28-30).

En Luc 5,29-6,11, nous rencontrons plusieurs exemples de cette opposition des scribes et des Pharisiens à laquelle Jésus a dû faire face :

– 1 – Luc 5,29-32. Les Pharisiens tenaient pour des pécheurs tous ceux et celles qui n’obéissaient pas comme eux à la Loi et à leurs Traditions, ou qui exerçaient un métier qui leur rendait une telle obéissance impossible. Les collecteurs d’impôts, par exemple, appelés aussi « publicains », devaient régulièrement entrer en contact avec les Romains. Or ces derniers, ne pratiquant pas la Loi juive, étaient considérés comme des êtres « impurs », et tous ceux et celles qui côtoyaient de telles personnes ou entraient chez eux devenaient eux aussi impurs… De plus, beaucoup de publicains profitaient de leur charge pour réclamer plus qu’il ne fallait , une différence qui bien sûr allait dans leur poche ! Étaient aussi impurs les tanneurs, qui devaient toucher aux cadavres « impurs » des animaux, les mendiants, les marchands ambulants, les prostituées… La Loi était donc devenue pour les Pharisiens comme une barrière les séparant d’emblée de certaines personnes. Mais Jésus est venu guérir la famille humaine et la rassembler tout entière en Dieu (Jean 11,49-52 ; Ephésiens 1,9-10 ; Colossiens 1,15-20 ; Jean 17,20-23). Aussi fait-il sauter toutes les barrières : celle de la Loi mal comprise (Ephésiens 2,14-18 où « les deux peuples » sont les Juifs et les païens, les Juifs étant « ceux qui étaient proches » de par leur vocation depuis l’appel d’Abraham, les « païens » « ceux qui étaient loin », ne connaissant pas Dieu, étrangers aux Alliances et aux promesses (cf Ephésiens 2,12-13)), et toutes celles qui peuvent se construire sur les différences des sexes, des origines, des conditions de vie… (cf Romains 10,12 ; Galates 3,26-28 ; 1Corinthiens 12,13). En Colossiens 3,9-11, la Bible de Jérusalem écrit en note : « Dans l’ordre nouveau disparaissent les distinctions de race, de religion, de culture et de classe sociale, qui divisaient le genre humain depuis la faute. L’unité se refait “ dans le Christ ” »…
Le salut est offert gratuitement à tout homme (Romains 1,16) par le Créateur de tous les hommes, Lui qui veut que nous soyons tous sauvés (1Timothée 2,3-6). Dès lors, le commandement de l’amour a lui aussi une portée universelle. Le chrétien, heureux bénéficiaire de la Miséricorde de Dieu, habité par la grâce de l’Amour depuis le jour de son baptême (Romains 5,5), est invité à mettre en œuvre cette grâce dans toutes ses relations en aimant d’un Amour de Miséricorde tous ceux et celles qu’il rencontre, qu’ils soient croyants comme lui ou croyants autrement ou non croyants… Il contribuera ainsi pour sa part à l’accomplissement du projet de Dieu : que toute la famille humaine soit unie dans une même Paix, un même Amour…

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Jésus est donc « navré de l’endurcissement du cœur » (Marc 3,5) de beaucoup de scribes et de Pharisiens. Ils s’excluent eux-mêmes de la communion du Royaume qui est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14-17), une justice gratuitement offerte aux pécheurs que nous sommes pour faire de nous des hommes justes et nous aider à marcher sur des chemins de justice, là sont la vraie Paix et la vraie Joie, celles du Christ Jésus lui-même (Jean 14,27 ; 15,11) !

– 2 – Luc 5,33-39 : nous sommes toujours dans le contexte du « grand festin » offert par Lévi en l’honneur de Jésus, « le Sauveur du monde » (Jean 4,42 ; 1Jean 4,14). Les scribes et les Pharisiens continuent, eux, de murmurer : « Pourquoi les disciples de Jésus ne jeûnent-ils pas ? ». Avec la prière et l’aumône, le jeûne était en effet l’une des trois grandes œuvres de la piété juive. Mais là encore, beaucoup jugeaient sur les apparences (Jean 7,24). Pourtant, jeûner pour jeûner n’a aucun sens… Le but de toute pratique religieuse est de favoriser la relation à Dieu, cette relation de cœur à cœur qui échappe au regard des hommes et n’est pleinement connue que de Dieu seul. Aussi Jésus met-il en garde contre tout ce qui pourrait ternir notre pureté d’intention et nourrir l’orgueil. Si le jeûne est vraiment fait pour l’amour de Dieu (Zacharie 7,4-5), qu’il reste donc secret, connu de Dieu seul (Matthieu 6,16-18)… Au banquet de Lévi, les disciples fêtent cet Amour qu’ils ont reconnu en Jésus Christ (1Jean 4,16) et accueilli avec joie. Leur fête préfigure celle que Dieu nous prépare en son Royaume (Isaïe 25,6 ; Matthieu 8,11 ; 22,2 ; Luc 12,37 ; 13,29 ; 15,20-24.32). De plus, ils vivent un temps de grâce exceptionnel : Dieu Lui-même est là, présent avec eux en son Fils (Matthieu 1,22 ; Jean 14,8-11). Avec lui et par lui, Il met pleinement en œuvre ce mystère de Noces qu’Il veut vivre avec l’humanité tout entière : « Je vais t’unir à moi » (Isaïe 54,7 ; Bible de Jérusalem ; 1Thessaloniciens 5,9-10). Les Noces sont célébrées, l’Époux est là, les disciples le voient et l’entendent : comment ce temps ne pourrait-il pas être celui de la fête (Jean 3,27-29) ? Mais un jour viendra où l’Époux sera arrêté, flagellé, crucifié, tué puis mis au tombeau. En son corps de chair, « il leur sera enlevé ». Mais il n’en sera pas moins avec eux, tous les jours, jusqu’à la fin du monde (Matthieu 28,18-20). Cette Présence se proposera à leur amour et à leur foi, dans la foi. Aussi, « en ces jours-là », les disciples retrouveront cette grande tradition du jeûne (Actes 13,1-3 ; 14,21-23 ; 2Corinthiens 6,4-5 ; 11,27) comme un moyen pour vivre le mieux possible ce mystère de communion avec le Ressuscité (1Corinthiens 1,9 ; 2Corinthiens 13,13 ; 1Jean 1,1-4)…

vivre-avec-ou-sans-dieu
Jésus sait qu’il est venu apporter un changement radical : « les anciennes observances et pratiques ne peuvent pas être reprises telles quelles » . Il sait aussi qu’il est bien difficile de changer ses habitudes et ses manières de voir. Il ne se fait pas d’illusions : beaucoup d’entre les Juifs refuseront « le vin nouveau » pour ne pas avoir voulu changer les « vieilles outres ». Et avant même de le goûter, ils diront que « c’est le vieux qui est bon »…

– 3 – Luc 6,1-11 : ces deux épisodes concernent la question du Sabbat, ce jour que Dieu a voulu pour intensifier sa relation avec les hommes, les combler de sa Présence et de sa Paix, et leur donner un temps de repos (Exode 20,8-11 à l’exemple du Dieu Créateur ; Deutéronome 5,12-15 à l’exemple du Dieu Sauveur venu libérer son Peuple pour vivre en Alliance avec lui ; ce jour-là le maître devient lui aussi libérateur pour ses serviteurs et ses servantes…). Notons qu’en Genèse 1,26-31, Dieu a créé l’homme le sixième jour. Son premier jour sur la terre est donc le septième, celui qui par la suite deviendra « le jour du Sabbat ». L’homme a donc été créé pour ce jour-là, le jour de la relation avec Dieu. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi » disait St Augustin. « Signe éminent et perpétuel de l’Alliance de Dieu avec Israël, le Sabbat participe à la sainteté du monde à venir : il annonce l’entrée du peuple, à la fin des temps, dans le repos et la paix de Dieu » .

Christ MiséricordieuxDieu a donc voulu ce jour du Sabbat pour l’homme, pour son bien… Mais à l’époque de Jésus, les scribes et les Pharisiens l’avaient réduit à une série d’obligations à respecter (Luc 6,2)… L’important était de « ne rien faire », et non plus le bien de l’homme… Le but était perdu : si la Loi au départ avait été faite pour l’homme, ce dernier, avec eux, en devenait « l’esclave ». Jésus essaiera de la rétablir dans sa perspective première : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Marc 2,27). Il remettra à la première place « la vie » de l’homme, ce qui est « bien » pour lui : sa faim (Luc 6,1-5), son intégrité corporelle et son salut (Luc 6,6-11 ; 14,1 6 ; Jean 9,13-16), la délivrance de toutes les forces qui l’oppriment (Luc 13,10-17)…

« Relativisée par rapport à l’amour et au service du prochain, la Loi du Sabbat est menée à sa perfection » (Hugues Cousin). Loin de désobéir à l’esprit du Sabbat, Jésus en effet l’accomplissait et lui permettait d’atteindre son but. En effet, à une époque où l’on croyait que toute maladie était la conséquence d’un péché (Jean 9,1-3) ou l’œuvre du démon (Luc 13,11 ; Matthieu 17,14-18), les guérisons de Jésus étaient avant tout le signe du pardon de Dieu et de sa victoire sur Satan. Libérées de toutes entraves, pardonnées et réconciliées avec leur Dieu et Père, les personnes concernées pouvaient alors pleinement vivre leur relation avec Lui, et donc leur Sabbat… De plus, Jésus « vrai homme », vivant en parfaite relation avec son Père dans la communion de l’Esprit Saint et dans l’Amour, est l’exemple unique d’un homme parfaitement homme. Avec lui, nous voyons donc un homme, vivant à fond le jour du Sabbat et faisant ce jour-là du bien à tous ceux et celles qui l’entourent. Aimer Dieu est vraiment inséparable de l’amour du prochain (Matthieu 22,34-40 ; 25,31-46) : l’amour de Dieu se traduit en actes par l’amour du prochain (1Jean 4,20-21)…

La logique de Jésus a donc toujours été celle de l’amour du prochain, de la recherche de son bien, de tout ce qui peut contribuer au plein épanouissement de sa vie… Hélas, ses adversaires, au nom de Dieu et du respect de sa Loi, étaient dans une logique de mort puisque ce jour même du Sabbat « remplis de rage, ils se concertaient sur ce qu’ils pourraient bien faire à Jésus » (Luc 6,11). Et que lui feront-ils ? Ils le tueront… Ils étaient pourtant considérés à leur époque comme des religieux, des hommes de Dieu, avec un habillement particulier (Matthieu 23,5)… Mais une fois de plus, l’apparence ne suffit pas : l’arbre se reconnaît à ses fruits (Luc 6,43-45)…

La Loi Nouvelle de l’Amour

Jésus va maintenant construire l’avenir. Il va choisir ceux qui seront les piliers de l’Eglise dont la mission première sera de poursuivre son œuvre jusqu’à la fin des temps (Luc 6,12-16). Puis il donnera la Loi Nouvelle du Royaume des Cieux, les Béatitudes (Luc 6,20-23). Il insistera sur l’amour (Luc 6,27-38), un amour « source », premier, exclusif, qui n’a de raison d’être qu’en lui-même et qui manifeste son absolue gratuité dans sa forme la plus radicale : l’amour des ennemis. Puis il invitera au discernement, aussi bien sur soi-même que sur les autres (Luc 6,39-45) pour insister enfin sur la nécessité de mettre sa Parole en pratique (Luc 6,46-49) : si la relation avec Dieu est réelle et authentique, il ne peut en être autrement. Dieu, en effet, est Amour ; Il se donne gratuitement aux pécheurs que nous sommes, et en se donnant, Il nous permet d’avoir part à ce qu’Il Est. Ce don en nous, cette grâce, est de l’ordre de l’amour ; elle ne pourra donc que nous entraîner sur les chemins de l’amour…

D. Jacques Fournier

Le jeûne
Extraits de l’article du P. Raymond Girard ;
Vocabulaire de Théologie Biblique (Editions du Cerf).

Celui qui jeûne « se tourne vers le Seigneur (Daniel 9,3 ; Esdras 8,21) dans une attitude de dépendance et d’abandon total : avant d’entreprendre une tâche difficile (Juges 20,26 ; Esther 4,16), ou encore pour implorer le pardon d’une faute (1Rois 21,27), solliciter une guérison (2Samuel 12,16.22), se lamenter lors d’une sépulture (1Samuel 31,13 ; 2Samuel 1,12), après un veuvage (Judith 8,5 ; Luc 2,37) ou à la suite d’un malheur national (1Samuel 7,6 ; Baruch 1,5 ; Zacharie 8,19), obtenir la cessation d’une calamité (Joël 2,12-17 ; Judith 4,9-13), s’ouvrir à la lumière divine (Daniel 10,12), attendre la grâce nécessaire à l’accomplissement d’une mission (Actes 13,2s), se préparer à la rencontre de Dieu (Exode 34,28 ; Daniel 9,3).
Les occasions et les motifs sont variés. Mais il s’agit dans tous les cas de s’établir avec foi dans une attitude d’humilité pour accueillir l’action de Dieu et se mettre en sa Présence. Cette intention profonde dévoile le sens des quarantaines passées sans nourriture par Moïse (Exode 34,28) et Elie (1Rois 19,8). Quant à la quarantaine de Jésus au désert, qui se modèle sur ce double patron, elle n’a pas pour motif de l’ouvrir à l’Esprit de Dieu puisqu’il en est rempli (Luc 4,1) ; si l’Esprit le pousse à ce jeûne, c’est pour qu’il inaugure sa mission messianique par un acte d’abandon confiant en son Père (Matthieu 4,1-4).

La pratique du jeûne ne va pas sans certains risques : risques de formalisme, que dénonçaient déjà les prophètes (Amos 5,21 ; Jérémie 14,12) ; risque d’orgueil et d’ostentation, si l’on jeûne « pour être vu des hommes » (Matthieu 6,16). Pour plaire à Dieu, le vrai jeûne doit être uni à l’amour du prochain et comporter une recherche de la vraie justice (Isaïe 58,2-11) ; il n’est pas plus séparable de l’aumône que de la prière. Finalement, c’est pour l’amour de Dieu qu’il faut jeûner (Zacharie 7,5). Aussi, Jésus invite-t-il à le faire avec une parfaite discrétion : connu de Dieu seul, ce jeûne sera la pure expression de l’espérance en lui, un jeûne humble qui ouvrira le cœur à la justice intérieure, œuvre du Père qui voit et agit dans le secret.
L’Église est demeurée fidèle à cette tradition du jeûne, cherchant par sa pratique à mettre les fidèles dans une attitude d’ouverture totale à la grâce du Seigneur, en attendant son retour. Car si la première venue de Jésus a comblé l’attente d’Israël, le temps qui suit sa résurrection n’est pas celui de la joie totale où nul acte de pénitence ne serait plus de mise. Défendant, contre les Pharisiens, ses disciples qui ne jeûnaient pas, Jésus a dit lui-même : « Les amis de l’Époux peuvent-ils jeûner tant que l’Époux est avec eux ? Des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront en ces jours-là » (Marc 2,19-20). Le vrai jeûne est donc celui de la privation de la vision du Bien Aimé et sa recherche permanente. En attendant que l’Époux nous revienne, le jeûne pénitentiel a sa place dans les pratiques de l’Église ».

 

Fiche 2M n°14 – Lc 5,27-6,11: cliquer sur le titre précédent pour ouvrir le document PDF

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