Dimanche des Rameaux (Mt 21,1-11) – D. Jacques FOURNIER

Jésus Sauveur, Roi Doux et Humble de cœur (Mt 21,1-11)

Par tout son comportement, Jésus va se manifester ici tout à la fois comme le Nouveau Roi tant attendu de la lignée de David, le Messie, et comme le Prophète annoncé autrefois par Moïse (Dt 18,15-18), ce que les foules reconnaîtront bien à la fin : « Hosanna au fils de David…au prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Lui-même s’était déjà présenté comme un prophète lorsqu’il avait lu dans la Synagogue de Nazareth, au tout début de son ministère, un extrait du Livre d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Lc 4,16-22). Mais, lorsque ceux-là mêmes qui s’étonnaient du « message de grâce  qui sortait de sa bouche », le rejetteront peu après, Jésus leur dira : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison » (Mt 13,57). Et c’est ce qui arrivera aussi à Jérusalem. Les foules « le tenaientbienicipour un prophète » (Mt 21,46), et pourtant, quelques jours après, beaucoup d’entre eux crieront : « Qu’il soit crucifié ! » (Mt 27,23-24).

Or, un prophète est quelqu’un qui a reçu de Dieu un Don tout particulier de l’Esprit Saint qui l’établit en communion de cœur avec Lui, « dans l’unité d’un même Esprit » (Ep 4,3). Et c’est dans ce Mystère d’Union, de Communion, d’Harmonie profonde avec Dieu, que la Parole de cet homme va recevoir un poids tout particulier : ce qu’il dira sera aussi en harmonie profonde avec Dieu, à tel point que Dieu pourrait Lui aussi dire la même chose… Dans l’Esprit, sa parole devient Parole de Dieu…

Vrai homme parmi les hommes, Jésus, « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1) par le Père, est donc bien un prophète, et de cette Communion dans l’Esprit va jaillir ici une parole de connaissance : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : « Le Seigneur en a besoin, mais il les renverra aussitôt. » » Et c’est exactement ce qu’il va se passer… On imagine sans peine la stupéfaction et l’émerveillement des disciples qui ont vécu tout cela… Notons au passage que rien de particulier ne leur a été demandé, sinon d’écouter et d’obéir… Et il en est toujours de même pour nous aujourd’hui puisque, nous dit Jésus Ressuscité, « je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Et « Jésus Christ est le même hier et aujourd’hui, il le sera à jamais » (Hb 13,8). Ce qu’il a fait hier, il continue donc de le faire aujourd’hui, notamment avec son Eglise et par elle. Et c’est toujours le Don de l’Esprit qui, accueilli, établit l’unité et l’harmonie que ce soit entre Dieu et son prophète, ou entre Dieu et son Eglise : « Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul Corps. Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit… Or, vous êtes le Corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce Corps » (1Co 12,13).

Les disciples écoutent Jésus, lui obéissent et lui ramènent l’ânesse et son ânon. Or « cela s’est passé pour accomplir la parole transmise par le prophète » Zacharie. Tel est donc le seul but poursuivi par Jésus. Or Zacharie n’a fait que transmettre une Parole qui, finalement, dans l’Esprit, ne venait pas de lui mais de Dieu. Le seul souci de Jésus est donc lui aussi, comme pour les disciples précédemment, d’obéir à Dieu son Père. Dans ce Mystère d’obéissance à Dieu, tout est possible car c’est Dieu Lui‑même qui agit pour que sa Parole s’accomplisse… Or, cette Parole ne fait qu’exprimer sa volonté, ce qu’il veut, ce qu’il désire… La seule préoccupation de Jésus est donc d’obéir à Dieu son Père pour que sa volonté s’accomplisse… « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin » (Jn 4,34). Père, « que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » (Mt 6,10). « Mon Père », priera-t-il juste avant sa Passion, « si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » (Mt 26,42). Et quelle est la volonté du Père ? St Paul la résume en quelques lignes : « Dieu, notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous les hommes » (1Tm 2,3-6), pour que la volonté de Dieu soit faite : « que tous les hommes soient sauvés »…

Tel est donc le seul but poursuivi ici par Jésus… Oui, en vérité, il est bien ce roi annoncé par les Ecritures, non pas un roi dominateur, assoiffé de pouvoir, ne poursuivant que son seul intérêt personnel, comme hélas tant de « grands » de ce monde, mais un roi « juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune » (Za 9,9). On peut d’ailleurs remarquer que les disciples avaient ramené une ânesse, dans la force de l’âge, accompagnée de son petit ânon… La logique aurait voulu que Jésus s’asseye sur l’ânesse… Mais non, c’est bien sur le petit ânon qu’il va s’asseoir, ce qui, humainement parlant, n’est pas vraiment une image de force, de puissance et de prestige. C’est plutôt un enfant, un tout petit, que l’on mettrait sur un ânon… Et pourtant, c’est bien cela qui est arrivé, en parfait accord avec la prophétie de Zacharie : « Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s’assoit dessus » (Mc 11,7 ; Lc 19,35). Jésus est donc bien le Roi Messie « fils de David » annoncé par Zacharie, mais un Roi « humble », « doux » (Mt 11,29), « pauvre de cœur » (Mt 5,1), venu non pas pour dominer en Maître mais pour servir (Lc 22,27), non pas pour commander ses disciples mais pour leur laver les pieds (Jn 13,1-17)… « Vous le savez », disait-il, « les chefs des nations païennes commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20,25-28).

Le titre de Roi donné à Jésus pouvait donc prêter à confusion, et c’est la raison pour laquelle St Matthieu ne le lui applique pas sinon dans la bouche des Mages lorsqu’ils demandent à Hérode : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » (Mt 2,2). Puis, ce titre disparaît de son Evangile pour ne revenir, clairement appliqué à Jésus, qu’ici : « Voici que ton Roi vient à toi »…Mais ensuite, il interviendra souvent dans le récit de la Passion, car lorsque Jésus sera battu, humilié, crucifié (Mt 27,10.29.37.42), il ne sera plus possible de se méprendre sur sa royauté. Oui, vraiment, Jésus est Roi, mais dans l’humilité, la discrétion, la douceur, la non violence, l’apparente faiblesse qui se révèle en fait « Toute Puissance » de l’Amour, capable de dire « je t’aime » à celui qui cherche à le tuer, et qui, sur la Croix, offrira sa vie pour le salut de ceux-là même qui la lui enlèvent…

                                                                                               D. Jacques Fournier

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