« En passant » (Jn 9,1)… Une fois de plus, Jésus est en marche, pour aller vers les uns et vers les autres et leur annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle de cette Vie éternelle que Dieu veut communiquer à tous les hommes… A la piscine de Bethzatha, quelle détresse Jésus avait-il su remarquer (cf. Jn 5,5-6) ; et ici (cf. Jn 9,1.8) ? Nous retrouvons ainsi un Jésus tout spécialement attentif à ceux et celles qui connaissent la souffrance. Et ici encore, par amour, c’est lui qui va prendre l’initiative de la rencontre avec cet aveugle-né, pour son bien, pour sa vie…
D’après la question des disciples, comment comprennent-ils la maladie, d’où vient-elle pour eux (Voir Fiche n°8 : « Jn 3,22-36 ») ? Souvenons-nous et résumons : cette conception s’enracine dans les temps les plus anciens de l’histoire d’Israël… Lors de la libération d’Egypte, Israël vit la Toute Puissance de Dieu à l’œuvre. Mais comme leur foi était en train de naître, ils en eurent une conception naïve et imparfaite : ils ont pensé que Dieu était tellement « tout puissant » que rien ne pouvait lui échapper, pas même le mal… Ils le voyaient donc derrière toute chose, directement impliqué dans tout ce qui pouvait leur arriver dans la vie… Notons que cette conception existe encore aujourd’hui : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive une chose pareille ? »
A côté de cela, ils avaient aussi une intuition vive de la justice de Dieu : « Dieu » est « le juste » (Ps 7,10) par excellence, la source de toute justice. Si donc un mal arrive à quelqu’un, et si ce mal vient de Dieu, puisque Dieu est juste, cette personne devait donc le mériter : elle avait dû faire quelque chose de mal… Et voilà comment Israël s’est représenté Dieu : un « juste Juge » (Ps 7,12 ; 9,5 ; 58(57),12 ; Gn 18,25 ; Tb 3,2) qui punit celui qui fait le mal et qui récompense celui qui fait le bien. « Toi, écoute au ciel et agis ; juge entre tes serviteurs : déclare coupable le méchant en faisant retomber sa conduite sur sa tête, et justifie l’innocent en lui rendant selon sa justice » (1R 8,32). Mais non ! Dieu n’est pas ainsi ! Et la mission première de Jésus sera de nous révéler son vrai visage de Père, rempli de tendresse, et désirant toujours le meilleur pour tous ses enfants.
Telles étaient donc les croyances en ce Dieu « Juste Juge », des croyances toujours vives à l’époque de Jésus… Et cela d’autant plus que d’après le cœur même de la Loi (Le Décalogue, « les Dix paroles », Ex 34,28 ; Dt 4,13 ; 10,4), Dieu « punit la faute des pères sur les enfants, les petits enfants et les arrières petits enfants » (Ex 20,5). Et si l’on ajoute à cela que l’on pensait qu’il était possible de pécher dès le sein de sa mère (cf. Gn 25,21-22), on comprend la question des disciples à Jésus : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? »… En effet, si cet homme est aveugle depuis sa naissance, sa cécité ne peut que venir de Dieu en punition d’un mal. Mais alors, qui a commis ce mal, lui ou ses parents ?
Quelle est la réponse immédiate de Jésus ? Voilà qui répond clairement à beaucoup d’interrogations de nos contemporains, nous l’avons vu : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive tout cela ? » Rien… dirait le plus souvent Jésus. Dans le jeu complexe des relations humaines, des interdépendances de toutes sortes, nous sommes loin de pouvoir rendre compte de tout… Et nous nous retrouvons dans la position de Job qui après toutes ses accusations lancées contre Dieu, tous ses cris de colère si compréhensibles, accepte de ne pas avoir une réponse pleinement satisfaisante au problème du mal et de la souffrance car il découvre à quel point Dieu est présent à sa vie, à quel point il veille sur lui et prend soin de lui… Alors il s’abandonne à cette Présence Bienveillante… « Lui », il sait tout et il est Dieu… Cela lui suffit, il fait confiance… Notons enfin que Dieu n’a pas fait semblant en créant l’homme libre de ses choix, et c’est Lui le premier qui, par ses prophètes, lui court après en lui demandant : « Après tous les bienfaits dont je t’ai comblés, pourquoi m’abandonnes-tu ? » (cf. Is 5,4 ; Jr 2,29 ; 2,31 ; 8,5 ; 8,19 ; 8,22). Et quand Jérémie regarde la terre et toutes ces destructions, il semble lui aussi en être désorienté : « Pourquoi le pays est-il perdu, incendié comme le désert où nul ne passe ? » (Jr 9,11). Et la réponse vient aussitôt, soulignant la responsabilité de nos actes qui peuvent, parfois, avoir des répercussions collectives inouïes : « Le Seigneur dit : C’est qu’ils ont abandonné ma Loi, que je leur avais donnée ; ils n’ont pas écouté ma voix, ils ne l’ont pas suivie ; mais ils ont suivi l’obstination de leur cœur, ils ont suivi les Baals (les idoles) que leur pères leur avaient fait connaître » (Jr 9,12-13 ; notons la responsabilité des parents dans l’éducation de leurs enfants et la transmission ou non de valeurs ou de contre-valeurs…).
La détresse de ce mendiant aveugle va donc donner à Jésus l’occasion de poursuivre sa mission : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18). Mais nous retrouvons ici les fondements de la vie du Fils (cf. Jn 5,19-20). En effet, sa guérison est déjà présentée ici comme étant l’œuvre de qui (Jn 9,3-4) ? Jésus est bien le Serviteur du Père (Mt 12,18 ; Lc 22,27 ; Ac 3,13 ; 3,26 ; 4,27 ; 4,30), qui agit avec Lui et par Lui pour manifester sa Miséricorde et sa Tendresse infinies (2Co 1,3).
Une image est employée en Jn 9,4-5, laquelle ? N’oublions pas que la nuit, « les ténèbres », représentent souvent dans la Bible les conséquences du mal, du péché (cf. Dt 28,15 avec 28,28-29 ; 1Sm 2,9 ; Si 11,16 ; Pr 20,20 ; Job 5,13-15 ; Is 29,15 ; Jr 23,10-12 ; Ac 13,6-12 ; 2Co 6,14 ; Ep 6,12 ; 2P 2,4…). N’oublions pas aussi que Jésus parle aux hommes en les prenant tels qu’ils sont, avec un langage qu’ils peuvent comprendre, en tenant compte de leurs croyances, même si elles sont inexactes… D’après la conception des disciples sur l’origine de la cécité de cet homme, quelle sera, dans un tel contexte, la signification de sa guérison (cf. Jn 1,4-5 ; 12,46 avec 8,12 ; Col 1,12-14 ; Ep 5,5-9 ; 5,14…) ?
Tout ceci sera redit avec l’image de la boue : que représente-t-elle (cf. 2P 2,1‑3 et 2,17-22 ; Is 57,20 ; Ps 106(105), 39) ? Que symbolise donc cet aveugle-né aux yeux recouverts de boue (cf. Ez 12,2 ; Jr 5,20-25 repris en Mc 8,17-18 ; Is 6,9-10 repris en Mt 13,10-15 et en Jn 12,37-40) ? N’oublions donc pas par la suite que sa situation nous représente tous : elle est comme une image visible de notre réalité spirituelle invisible… Quelle invitation Jésus lui adresse-t-il ? St Jean donne lui-même la signification de « Siloé » en hébreu : « Envoyé ». A qui ce terme renvoie-t-il dans son Evangile (cf. Jn 3,17.34 ; 4,34 ; 5,22‑24.30.36.37.38…) ? « Va te laver à la piscine de l’Envoyé »… Que jaillira-t-il donc de lui en Jn 19,34 ? Ce « visible » qui semble jaillir de son cœur de chair transpercé est à nouveau une image de la réalité spirituelle invisible qui remplit son cœur, son intériorité : quelle est-elle d’après Jn 7,37-39 (Voir aussi Lc 4,1) ? Que se passera-t-il donc au cœur de ceux et celles qui, comme cet aveugle-né, accepteront de répondre à l’invitation de Jésus (cf. Ez 36,24-28 ; 1Co 6,9‑11) ? Et tout ceci arrivera notamment à quelle occasion (cf. Ac 2,37-39) ? Cette occasion a-t-elle été inventée par l’homme ou est-elle demandée par le Seigneur (cf. Mc 16,15-16 ; Mt 28,16‑20) ? Si tel est le cas, quelle est la seule attitude que Dieu attend de nous (cf. Rm 10,16 ; Ac 5,29.32 ; 1P 1,1-2 ; 1,22 ; Rm 6,15-19 ; 15,18 ; 16,19 ; 2Co 9,13 ; 10,4-5) ? Quelle expression apparaît d’ailleurs en Ac 6,7 ; Rm 1,5 ; 16,26 ? Quel pourrait donc être un synonyme du verbe « croire » ? Que fait d’ailleurs ici l’aveugle né ? Cela suppose, bien sûr, de la confiance envers celui qui nous invite à accomplir une telle démarche. Mais, « c’est par la confiance et rien que la confiance que l’on va à l’Amour » (Ste Thérèse de Lisieux). Et de tout cœur, on s’abandonne à Lui, tels que nous sommes… Le vase blessé, abîmé, souillé se remet entre les mains de son potier (Is 64,7) qui fera alors « toutes choses nouvelles » (Is 43,19 ; Jr 18,1-6). Le pécheur, dans ses mains, est alors « un vase de miséricorde » auquel Dieu va accorder toute son attention (Lc 15,4-7) et en qui il va déployer la toute puissance de sa bonté, pour le guérir intérieurement et le rendre ainsi capable de recevoir l’insondable richesse de son Esprit. Et cet Esprit est la réalité spirituelle qui « remplit » le Père, et qui « remplit » aussi le Fils, car le Fils la reçoit du Père de toute éternité… Et c’est cette même réalité spirituelle que reçoivent tous ceux qui font confiance à Jésus, qui répondent concrètement à son invitation de recevoir le baptême et tous les sacrements, de lire sa Parole en essayant, avec sa grâce, d’y conformer leur vie… Noter les expressions employées par Sr Paul en Rm 8,9 à propos de ces chrétiens qui essayent de vivre leur foi : « L’Esprit de Dieu habite en vous. Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas »… « L’Esprit de Dieu », c’est l’Esprit de Dieu le Père, l’Esprit qui remplit le Père, l’Esprit qui constitue le Père… Et l’on s’attendrait ensuite à lire : « Qui n’a pas l’Esprit de Dieu ne lui appartient pas »… Mais non… St Paul écrit non pas « l’Esprit de Dieu » mais « l’Esprit du Christ », car, si le Père n’est pas le Fils, c’est un même Esprit qui les remplit, qui les constituent, qui fait qu’ils sont ce qu’ils sont… Et cet Esprit, le Père, dans son Amour, le donne au Fils de toute éternité, et c’est ainsi qu’il l’engendre en Fils… Et voilà ce que le Père est venu nous offrir en Plénitude par son Fils, pour que nous aussi nous devenions des fils et des filles de Dieu (Jn 1,12), à l’image du Fils (Rm 8,29), vivants du même Esprit qui remplit le cœur du Fils… Cette réalité spirituelle invisible à nos yeux de chair se propose dès ici‑bas à notre foi, pour être, par la Miséricorde de Dieu, le fondement de notre vie (Ga 5,25 ; Rm 8,11) et de notre paix intérieure, envers et contre tout…
Et notre passage révèle à quel point tout jaillit ici de l’initiative et de la gratuité de Dieu, car cet homme ne connaît pas encore Celui qui lui parle. Sa réponse ne peut donc pas être ce « oui » libre et responsable au Christ reconnu comme étant vraiment le Fils envoyé par le Père pour notre salut… Mais sa bonne volonté a suffi à l’accomplissement de celle de Dieu pour lui… Qui était-il d’ailleurs prêt à reconnaître en Jésus Christ (cf. Jn 9,17) ? A qui, à travers lui, attribuait-il donc déjà sa guérison (cf. Jn 9,33 ; 3,2) ? Et puis, un peu plus tard, qui sera une nouvelle fois à l’origine de son cheminement vers une foi plus parfaite (cf. Jn 9,35) ? Quelle question lui posera-t-il ? Que désire donc le Christ à notre égard (cf. Jn 6,28-29 ; 20,30-31) ? Mais d’après la réponse de l’aveugle guéri, que faut-il pour croire ?
Même si le texte ne le dit pas explicitement, nous pouvons deviner ce qu’il s’est passé en cet instant. En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), invisible à nos yeux de chair. Et il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5), Lumière spirituelle… Et nul ne peut « voir » cette Lumière si elle n’éclaire pas déjà son cœur, car c’est « par ta lumière que nous voyons la lumière » (Ps 36(35),10). Au tout début, cet homme, ne connaissant pas Jésus, ne pouvait pas croire en lui. Mais il était de bonne volonté, et il a tout simplement accepté d’obéir au Christ et d’aller se laver à la Piscine de l’Envoyé. Autrement dit, cet homme était disposé à ouvrir son cœur à la vérité… Or, le « Dieu de vérité » (Is 65,16 ; Ps 31(30),6) « est Esprit » (Jn 4,24) et il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5). Le Psalmiste le disait déjà avec l’image du soleil : « le Seigneur Dieu est un Soleil : il donne la grâce » (Ps 84(83),12), la grâce de l’Esprit, cet Esprit qui est Lumière… Alors, par la Lumière de l’Esprit que sa bonne volonté a su accueillir, cet homme peut voir la Lumière spirituelle qui jaillit de Jésus « Lumière du monde » au moment où il lui dit : « Tu l’as vu et tu le vois : celui qui te parle, c’est lui » (Jn 9,37). Il la reconnaît en ce Jésus et peut donc la « confesser » par son acte de foi : « Je crois, Seigneur »… Nous retrouvons ainsi ce principe de St Paul : « Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint » (1Co 12,3) qui « illumine les yeux du cœur » et permet de « voir les trésors de gloire » (Ep 1,17-20) qui habitent le Christ, « insondable richesse » (Ep 3,8) qui est celle de Dieu lui-même… Cet aveugle-né, guéri, a donc vécu ici comme une Transfiguration : le Mystère spirituel du Christ, vrai homme mais aussi vrai Dieu, invisible aux yeux de chair, s’est révélé au regard de son cœur… Et il l’a reconnu … En se souvenant du parallèle que St Jean fait entre « vie » et « lumière » (« En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » Jn 1,4 ; « la lumière de la vie » Jn 8,12), nous pouvons relire le début de sa première Lettre, car voilà ce que cet aveugle-né a vécu lui aussi… Il a reçu l’Esprit du Christ en son cœur, l’Esprit qui, par sa Présence, lui a communiqué la Vie de Dieu. Et il l’a perçue en termes de vie nouvelle, d’intensité de vie. Dans cette « vie », il a donc vécu la rencontre avec le Christ. Mais au même moment, cette Vie était Lumière en son cœur, perception nouvelle d’une réalité qui échappe à l’emprise de nos sens… Et alors, il a vu… St Jean dira : « Nous avons vu la Vie »… Il l’a perçue par tout son être, en la vivant, et au même moment, il a aussi perçu comme une Lumière qui rayonnait du Christ… « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1Jn 1,1‑4).
Le Nom divin « Je Suis » (Ex 3,14) est très souvent appliqué au Christ dans l’Evangile selon St Jean pour exprimer le Mystère de sa Divinité, de sa pleine participation à la nature divine (cf. Jn 8,24.28.58 ; 8,12 ; 6,35.48 ; 14,6…). En grec, il a une forme particulière, « Égô éimi ». Nous l’a trouvons ici appliquée à un homme, et cela pour la seule et unique fois dans tout l’Evangile. Dans le contexte des relations entre cet homme et ceux qui s’interrogent sur son identité, elle est traduite en général dans nos Bibles par « C’est moi ! » ou « C’est bien moi ! » (Jn 9,9). Nous retrouvons la même traduction lorsque Jésus marche sur la mer et s’adresse à ses disciples : « C’est moi ! » (Jn 6,20). Pourtant, nous l’avons vu, il vaudrait mieux traduire en cette circonstance « Je Suis » car Jésus révèle en cet instant le Mystère de sa Divinité en faisant ce que Dieu seul peut faire : marcher sur la mer, c’est-à-dire, dans le contexte de l’époque, dominer le mal… Appliquer cette même expression « Égô éimi » à un homme ouvre donc une interprétation possible que St Pierre énoncera explicitement dans une de ses lettres : Dieu nous appelle tous, par grâce, à participer à ce qu’Il Est par nature. « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui concerne la vie et la piété : elle nous a fait connaître Celui qui nous a appelés par sa propre gloire et vertu. Par elles, les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de la Divine Nature, vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (2P 1,3-4). La TOB a comme traduction : « … pour que vous entriez en communion avec la nature divine »… Comment parler de cette « nature divine » ? Tout simplement en reprenant les grandes affirmations de St Jean : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). En nous donnant « l’Esprit » (1Th 4,8), Dieu nous donne d’avoir part à sa propre nature…
« Vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » : notons bien que l’homme n’est pas capable de s’arracher par lui-même à cette « convoitise » : c’est Dieu qui le fera, avec sa collaboration (cf. Col 1,11-14). Et ces « grandes promesses » dont parle St Pierre sont toutes accomplies dans le Don de « l’Esprit de la Promesse », l’Esprit promis, l’Esprit Saint (Cf. Ep 1,13 ; Ga 3,14 ; Ac 2,32-33 ; 2,37-41), cet Esprit que le Christ a répandu en Fleuves sur cette terre (Jn 7,37-39) en mourant pour chacun d’entre nous sur la Croix.
St Paul de son côté écrit : « En lui », le Christ, « habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité », la Plénitude de l’Esprit qu’il reçoit de toute éternité de son Père. « Et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude » (Col 2,9-10)…
St Pierre parle donc de « devenir participants de la Divine Nature » ; St Paul d’être « associés à sa Plénitude ». St Jean le dira avec le vocabulaire de la gloire. Dans la Bible, ce mot « gloire » vient d’un verbe qui signifie « peser, être lourd ». La gloire renvoie donc à ce qui donne du poids à un être. Pour les hommes, cela peut être la richesse (Gn 13,2 : Abraham « très riche », littéralement « très glorieux »), ou une haute position sociale (La gloire du roi), ou un talent particulier… Pour Dieu, l’expression renvoie directement à son Être. « La gloire de Dieu est la splendeur de l’Etre par excellence. Dieu seul possède par lui-même valeur et puissance » (P. Deseille). « Le fondement de cette gloire, c’est l’essence divine elle‑même, laquelle est la perfection absolue » (A. Michel). La Gloire de Dieu est donc la manifestation, d’une manière ou d’une autre, de ce que Dieu Est en lui-même. Tout comme il n’y a pas de feu sans lumière et chaleur, de même il n’y a pas de gloire sans Dieu Lui-même, sans ce que Dieu est en Lui-même… Autrement dit, quand Jésus donne la Gloire, il donne ce que Dieu Est en Lui-même, c’est-à-dire « l’Esprit » « nature divine » puisque « Dieu est Esprit ». « Donner la Gloire », c’est donc donner de « devenir participant de la Nature Divine » (St Pierre), c’est « associer à la Plénitude » divine (St Paul)… Jésus dit ainsi en parlant de ses disciples : « Père, je leur ai donnés la Gloire que tu m’as donnée » « parce ce que tu m’as aimé avant la fondation du monde ». Ainsi, le monde reconnaîtra que « tu les as aimés comme tu m’as aimé » (cf. Jn 17,22.24.23).
Ste Thérèse de Lisieux disait : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». C’est ce que le Père fait de toute éternité pour le Fils : il l’aime et lui donne tout, tout ce qu’Il est en lui-même… Et c’est ainsi que le Fils est « Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même Nature que le Père » (Crédo). Alors, si le Père nous aime comme il aime le Fils de toute éternité, il ne cesse donc de se donner à chacun d’entre nous, gratuitement, par amour, avec une intensité d’autant plus forte que nous pouvons être blessés, pécheurs, spirituellement malades (Lc 5,31-32)… « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Et voilà que la grâce de l’Esprit surabonde pour les pécheurs, pour les arracher à leurs ténèbres (Col 1,13), leur donner la vie (Jn 10,10) et leur permettre d’être par grâce, par amour, ce que Dieu Est par nature… « Tu les as aimés comme tu m’as aimé », tu t’es donné à eux comme tu te donnes à moi de toute éternité, tu leur communiques cette Plénitude de l’Esprit dont tu me combles depuis toujours et pour toujours… Mais ce n’est que par-delà notre mort que nous découvrirons pleinement tout cela : « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! (…) Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3,1-2). Pour l’instant nous sommes dans la foi. « Nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1Co 13,12). « Car notre salut est objet d’espérance ; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérer : ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore ? » (Rm 8,24).
Cet aveugle-né est donc guéri… Les faits sont là… Mais quelle est à nouveau la pierre d’achoppement sur laquelle butent les scribes et les Pharisiens (cf. Jn 9,14 ; Lc 13,14) ? Pourtant, quelle invitation, en des circonstances semblables, le Christ leur avait-il déjà lancée (cf. Jn 7,20-24 ; Lc 6,6-11) ? Quelle conclusion les Pharisiens en tirent-ils (cf. Jn 9,16) ? Mais à quelle autre conclusion le Pharisien Nicodème était-il arrivé (cf. Jn 3,1-2) ?
Ces Pharisiens n’arrivent donc pas à accéder au monde de la foi… Un verbe intervient souvent dans notre chapitre à leur égard en Jn 9,20.21.24.29.31, quel est-il ? Il leur est tout spécialement bien adapté ici car il illustre le problème principal qui est le leur : lequel (voir aussi Lc 18,9-14 ; et leur déclaration en Jn 9,41 ; cf. Jr 13,15-17) ? Pour vaincre cet obstacle, avec la grâce de Dieu, quelle attitude Jésus nous propose-t-il (cf. début de Jn 3,21) ? Et nous sommes tous des pécheurs, des blessés (Rm 3,19 ; 3,23). Si nous acceptons cette démarche, quelle vérité allons-nous aussitôt découvrir avec le Christ (cf. Jn 1,29 ; 3,16-17 ; Lc 1,76-79 ; 5,31-32) ? Et alors, que se passera-t-il (cf. Jn 9,39) ? En effet, noter à chaque fois les conséquences du péché en Rm 3,23 ; 6,23 ; Jn 3,19 ; Rm 2,9 et celles de l’agir du Christ Sauveur en tous ceux et celles qui acceptent de s’abandonner avec confiance, tels qu’ils sont, entre ses mains : Jn 17,22 ; 6,47 ; 12,46 et 8,12 ; 14,27 et 15,11. Tel est le fruit de l’agir du « Père des Miséricordes et du Dieu de toute consolation » (2Co 1,3) qui ne poursuit qu’un seul but : que nous soyons tous comblés de la Plénitude de sa Vie par le Don de son Esprit…
Nous pouvons alors relire en conclusion (Lc 10,21-22) :
« Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit :
« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.
Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.
Tout m’a été remis par mon Père,
et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père,
ni qui est le Père si ce n’est le Fils,
et celui à qui le Fils veut bien le révéler » »…
Jacques Fournier
Correction de la fiche N° 17 :