Fiche n°4 : Le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance (Jn 2,1-11)
1 – Relire Jn 1,19-2,1 et repérer toutes les fois où l’on rencontre l’expression « le lendemain ». La première intervient au début de Jn 1,29. Ce qui précède, Jn 1,19-28, devra donc être considéré comme « la veille », c’est-à-dire « le premier jour ». Et à partir de Jn 1,29 commence « le lendemain », le jour suivant, « le deuxième jour ». Ce point de départ étant établi, combien y-a-t-il de jours en Jn 1,19-51 ? Or, les « trois jours » mentionnés en Jn 2,1 – et nous en sommes « au troisième » – doivent se rajouter à ceux évoqués en Jn 1,19-51. Cette petite addition faite, en quel jour interviendra donc le miracle des Noces de Cana ? Comme au tout début de Jn 1,1, à quel texte de l’Ancien Testament St Jean nous renvoie-t-il une nouvelle fois ? Or, ce texte nous présente lui aussi une succession de jours… L’homme est créé « à l’image et ressemblance de Dieu » le sixième jour. Sa première journée complète sera donc « le septième jour ». Or ce « septième jour » est le jour de Dieu par excellence : il est mentionné trois fois (Gn 2,1‑4a). Et le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Certes, Dieu « chôma » en ce jour, il « arrêta toute l’œuvre qu’il faisait », mais il ne reste pas inactif, loin de là ! Il fait ce qu’il ne cesse de faire de toute éternité : « il bénit », il donne l’Esprit, la Lumière et la Vie, il se donne… Et l’homme en ce jour est invité à cesser temporairement ses activités habituelles pour poser lui aussi « l’action par excellence » que Dieu attend de lui : qu’il se tourne de tout cœur vers son Dieu et Père pour recevoir cette bénédiction divine qui sera en lui Esprit, Lumière, Vie, Plénitude, Paix, Joie profonde, vrai Bonheur… Voilà la réalité dont nous avons vraiment besoin… « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8,3). L’image est belle… Elle évoque le Mystère de Dieu par le biais des réalités humaines. Qu’est-ce qui sort de la bouche d’un homme ? La parole et en même temps un souffle qui, faisant vibrer ses cordes vocales, permet à la parole d’être entendue. Il en est de même pour Dieu. A sa Parole se joint toujours son Souffle, son Esprit… Ecouter la Parole de Dieu de tout cœur c’est au même moment s’ouvrir au Souffle de l’Esprit (cf. Jn 20,22), un Esprit qui est Lumière et Vie. Ainsi, celui qui lit la Parole de Dieu dans un contexte de prière, d’accueil de l’Esprit, ne pourra que faire l’expérience d’une Lumière qui l’introduira dans les Mystères de Dieu (cf. Ep 1,17-21) et d’une vie qui sera synonyme pour lui de bonheur profond… Ainsi, lorsque Dieu invite l’homme à se tourner vers lui le jour du Sabbat, c’est pour le combler de sa bénédiction, c’est-à-dire de son Esprit de Lumière et de Vie et cela se fait notamment par l’intermédiaire de sa Parole. Heureux alors celui ou celle qui consentira à cette invitation… Et Dieu Lui-même en sera le plus heureux, car notre joie fait toute sa joie… Mais quel dommage pour ceux qui passent à côté…
Le jour du sabbat correspond en Israël à notre samedi. Jésus a été crucifié la veille, vendredi, et ce n’est qu’à la fin du sabbat que l’on pouvait reprendre ses activités. Les femmes, aux premières lueurs de l’aube, se précipiteront au tombeau pour s’occuper du corps de Jésus que l’on avait déposé avec hâte… Mais elles découvriront, stupéfaite, qu’il est ressuscité… Et ce jour deviendra notre Dimanche, célébration de la Résurrection du Christ et jour de sabbat, de repos, pour l’homme que Dieu veut combler de sa vie… Ainsi le Dimanche est non seulement le jour où nous pouvons nous reposer physiquement, nous détendre, mais il est aussi ce jour où Dieu veut nous communiquer le repos du cœur et la paix, un repos qui est dès ici-bas, dans la foi, un avant-goût, du ciel (Jn 14,27 ; Ph 4,4-7 ; Col 3,15)… Nous voyons bien que cette prescription du repos dominical n’a d’autre but que le bien de l’homme tout entier, corps et âme : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2,27). Heureux alors ceux et celles qui accepteront de se laisser ainsi « gâter » par Dieu… Ils repartiront ensuite de plus belle dans la vie et seront plus forts pour affronter ses inévitables épreuves… Jésus nous le dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos » (Mt 11,28-30).
Certes, l’application de ce principe du repos dominical doit être modulé en fonction des impératifs de notre vie en société. Heureusement que les médecins, les infirmières, les pompiers, etc… travaillent en ce jour au service de leurs frères. Ils seront invités à vivre leur dimanche pendant leur jour de repos. Mais une activité qui n’aurait d’autre but que le commerce et l’argent ne saurait supplanter le repos dominical (cf. Lc 16,13)…
Le miracle des noces de Cana a donc lieu « le septième jour »… Le Don du Christ en cette circonstance, « le bon vin », sera donc le signe visible du Don invisible, spirituel, que Dieu veut communiquer à l’homme pour lui donner d’entrer dans son repos, sa vie, sa joie… Il est le Don qui lui permettra au projet créateur de s’accomplir : vivre avec Dieu dans la communion à la Plénitude de sa Vie… Cette réalité qui s’offre dès maintenant à notre foi, mystérieusement mais bien réellement, se manifestera pleinement par-delà notre mort, telle est notre espérance (cf. Col 3,1-4 ; 1Jn 2,8 ; 3,1-2). Telle est « la création nouvelle » que le Christ est venu nous offrir (2Co 5,17-20 ; Tt 3,4-7) : une création renouvelée par le Don de l’Esprit, et enfin rendue capable d’atteindre la Plénitude de Vie que Dieu a toujours voulu pour elle… Le miracle des Noces de Cana en est le signe…
2 – « Le troisième jour » de Jn 2,1, pris en lui-même, renvoie également à un événement fondateur de notre foi, lequel (cf. Ac 10,40 ; 1Co 15,3-8 ; Mt 16,21 ; 17,23 ; 20,19 ; Lc 24,1-8 ; 24,44-48) ? A cette occasion, ce qui est dit en Jn 2,11, « il manifesta sa Gloire et ses disciples crurent en lui », s’accomplira alors pleinement…
De plus, la Vierge Marie n’intervient que deux fois dans l’Evangile de Jean : ici, et en Jn 19,25-27. Dans les deux cas, comment Jésus l’appelle-t-il ? Nous constatons que le miracle des noces de Cana, le premier en St Jean, au tout début du ministère public de Jésus, ne cesse de faire allusion à la fin de ce ministère, lorsqu’il mourra sur une Croix pour notre salut et ressuscitera d’entre les morts « le troisième jour »… Pour bien comprendre le symbolisme du « bon vin », nous sommes donc invités à nous tourner vers le Christ mort et ressuscité pour nous… Or, si le Christ donne du « bon vin » à Cana, que donne-t-il à ses disciples une fois ressuscité d’entre les morts (cf. Jn 20,22) ? Conclusion : à quelle réalité le « bon vin » renvoie-t-il ? Un deuxième élément va renforcer cette conclusion : quelle eau particulière Jésus a-t-il utilisée à Cana, à quoi servait-elle (Voir aussi Mc 7,1-7) ? Et juste après Jn 20,22, que lisons-nous ? Tous les rites de purification accomplis en Israël avant le Christ, dans le cadre de l’obéissance à la Loi de Moïse, ne faisaient donc qu’annoncer la purification des cœurs accomplie par l’offrande du Christ et le don de l’Esprit Saint (cf. Ez 36,24-28 ; puis Jn 19,33-34 ; 1Co 6,9-11 ; Ep 5,25‑27 ; Hb 9,14 et 10,22) …
Cette perspective globale présentée par le miracle des noces de Cana sera ensuite mise en œuvre très concrètement dans nos vies par l’intermédiaire des sacrements proposés au libre assentiment de notre foi : le baptême, le sacrement de réconciliation, l’eucharistie, etc… Dans ce dernier, nous retrouvons d’ailleurs le symbolisme du vin qui renvoie au sang du Christ, « le sang de l’Allianceversé pour une multitude en rémission des péchés » (cf. Mt 26,26-29). Là encore, la réconciliation avec Dieu par le pardon des péchés est centrale. « Le sang du Christ purifiera notre conscience des œuvres mortes que nous avons pu accomplir » (Hb 9,14). Cette purification va de pair avec une vivification, car tel est le but poursuivi par Dieu. En effet, nous dit Jésus, ceux et celles qui accepteront de recevoir son corps et son sang dans le sacrement de l’eucharistie goûteront dès maintenant à la vie nouvelle et éternelle qu’il est venu nous offrir en surabondance au Nom de son Père (cf. Jn 6,53-58 ; 10,10 ; 5,43). Certains comprenaient ces paroles au sens littéral de « boire du sang humain » et « manger de la viande humaine », comme dans certains sacrifices païens, et bien sûr, ils en étaient horrifiés : « Elle est dure cette parole ! Qui peut l’écouter ? ». Mais Jésus leur répond : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont vie » (Jn 6,63). Nous retrouvons ainsi, appliquée à l’Eucharistie, l’interprétation du miracle des noces de Cana : c’est l’Esprit Saint, le grand Don de Dieu, qui accomplit la purification des cœurs et leur communique dès maintenant, dans la foi, la vie nouvelle et éternelle… Heureux alors ceux qui croient et acceptent de se lancer dans cette magnifique aventure de la foi… Ils découvriront toute l’intensité de cette vie nouvelle en la vivant…
3 – Toute la période avant le Christ est habituellement désignée comme étant celle de l’Ancienne Alliance (« L’Ancien Testament »), et à partir du Christ, nous parlons de Nouvelle Alliance (« Le Nouveau Testament »). Nous venons d’évoquer l’eucharistie et « le sang de l’Alliance ». Le Christ est en effet venu établir « une nouvelle Alliance » entre Dieu et les hommes (Lc 22,20 ; 1Co 11,25 ; 2Co 3,5-6), permettant à toutes les perspectives évoquées dans l’Ancienne d’atteindre enfin leur but… C’est pourquoi Jésus déclare en Mt 5,17 : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ».
Ce thème de l’Alliance est très souvent présent dans le récit des noces de Cana de telle sorte que ce miracle n’est rien de moins que le signe de cette Alliance Nouvelle instituée par le Christ. Toute la suite de l’Evangile ne sera qu’approfondissement, explication, conséquences de ce qui est révélé ici, à Cana…
Commençons par regarder le verset qui précède immédiatement notre récit : Jn 1,51 fait allusion à Gn 28,10-17 où Dieu renouvelle avec Jacob l’Alliance qu’il avait autrefois conclue avec Abraham : constater comment Dieu se nomme en Gn 28,13, puis comparer Gn 28,13-14 avec Gn 13,14-17 ; 15,18 et 17,4-8 ; puis la fin de Gn 28,14 avec Gn 12,1-3. Appliquer Gn 28,12 au Christ suggère donc que tous ces textes s’accompliront avec lui. Et St Jean va plus loin : sur quoi les Anges de Dieu montent-ils et descendent-ils en Gn 28,12 ? Même question en Jn 1,51. A quoi Jésus est‑il donc indirectement comparé ? Or, qu’unit cette réalité en Gn 28,12 ? Conclusion : quel est le rôle premier de Jésus, sa mission (cf. Jn 14,6 ; 1Tm 2,5-6 ; Ac 4,12 ; 2Co 5,18-20) ?
Dans la Bible, Dieu se présente comme vivant en Alliance avec tous les hommes présents sur la terre, et cela depuis le commencement du monde (cf. Gn 9,8-17 en se souvenant, dans la poésie biblique, que Noé est devenu après le déluge le second grand ancêtre de toute l’humanité après Adam ; compter d’ailleurs combien de fois intervient le mot « alliance » en ce texte, sept étant dans la Bible un symbole de perfection). Et pour que les hommes prennent conscience et accueillent cette Présence de Dieu offerte à tous, Dieu se choisira un homme Abraham, et il entreprendra avec lui et avec sa descendance, un lent et patient travail de révélation. Cette œuvre atteindra son sommet avec l’incarnation du Fils, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), fils d’Abraham par Marie… « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18). Jésus est donc venu nous révéler une réalité qui existe depuis que les hommes existent sur cette terre : Dieu est tout proche de chacun d’entre eux. Ses premières paroles dans l’Evangile selon St Marc sont d’ailleurs : « Le Royaume de Dieu est tout proche » (Mc 1,15). Ainsi, Dieu vit en Alliance avec tout homme, imperturbablement fidèle, travaillant de tout son cœur, dans le respect de sa liberté, à la Plénitude de sa vie et donc à son bonheur… Mais encore faut-il qu’il soit accueilli, écouté, suivi…
Répétons-nous : l’Alliance avec Abraham, renouvelée avec son fils Isaac, puis avec Jacob, le roi David, etc… est l’application particulière à un Peuple d’une réalité universelle. Et la vocation d’Israël est d’être « au service » de Dieu (Is 44,1-3 ; 44,21‑22 ; 49,3) pour que ce mystère d’Alliance soit annoncé, reconnu, accueilli par tous les hommes. Comme Dieu ne cesse de bénir ses créatures (Gn 1,28 ; Ep 1,3 ; Ps 84(83),12-13), si ces dernières l’accueillent, alors « seront bénies toutes les familles des nations » (Parole de Dieu à Abraham lors de son appel, Gn 12,3). La volonté de Dieu sera accomplie. Or, tel était le but premier poursuivi par le Christ : « Ma nourriture est d’accomplir la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre », l’humanité, « à bonne fin », à la vie éternelle (Jn 4,34). « Dieu veut en effet que tous les hommes soient sauvés » (cf. 1Tm 2,3-5). C’est pour cela que le Christ s’est offert totalement sur la Croix, donnant sa vie, versant son sang, pour révéler à quel point Dieu veut notre salut, à en mourir… « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10)… Il nous reste maintenant à prendre conscience de tous ces trésors offerts, et à les accueillir… « Tout est achevé » du côté de Dieu (Jn 19,35)… De génération en génération, tout reste à faire de notre côté…
Le sang versé de Jésus est ainsi « le sang de l’Alliance » versé pour que « la multitude » des hommes puisse s’ouvrir à cette Alliance qui existe depuis toujours, et trouver en elle ces trésors de Vie et de Paix que Dieu veut voir régner dans tous les cœurs… Le miracle de Cana est ainsi en St Jean le signe de cette Alliance que Dieu vit avec tout homme, offrant sans cesse à sa liberté le Don de ce « bon vin », l’Esprit Saint, pour qu’il puisse trouver avec lui cette intensité de vie, la vie même de Dieu, à laquelle nous sommes tous appelés.
Les prophètes ont souvent évoqué ce Mystère d’Alliance avec l’image des noces, Dieu étant l’époux, et Israël son épouse (Osée 2,16-25 ; Jérémie 2,1-2 ; 3,1.6-12 ; Ezéchiel 16 ; Isaïe 50,1 ; 54,4-8 ; 62,4-5). Et ici, nous sommes bien dans une noce… De plus, « Cana », en hébreu, signifie « jaloux ». Les noces de Cana sont donc « les noces du Jaloux », un Nom que Dieu se donne dans le Livre de l’Exode (Ex 34,14) pour évoquer son « Amour Jaloux » (Is 9,6), « sa grande jalousie » (Za 1,14) à l’égard de son Peuple. Si, pour les hommes, cette notion de jalousie est souvent négative, il ne peut en être ainsi pour ce Dieu qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8 et 4,16) et qui ne cherche que le bien de ses créatures. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre à tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14).
De plus, il revenait à l’époux de fournir le vin pour la fête des noces qui durait à l’époque une semaine entière… Le maître du repas ne s’y trompe pas : vers qui se tourne-t-il en Jn 2,9-10 lorsqu’il goûte au « bon vin » ? Mais est-ce bien lui qui a donné ce vin ? Qui donc est ainsi présenté indirectement comme étant « l’époux » véritable ? Jean-Baptiste ne s’y est pas trompé (cf. Jn 3,29), et il est « ravi de joie », la joie de l’Esprit, « à la voix de l’époux », Jésus. En effet, « celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu » et avec elles et par elles « il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34), un Esprit dont « le fruit » dans les cœurs est « amour, paix, joie » (Ga 5,22)…
Lire maintenant ce que la Vierge Marie dit aux servants en Jn 2,5, puis lire Ex 24,1-11 en faisant tout particulièrement attention aux versets 3 et 7 : que constatons-nous ? Or Ex 24,1-11 nous décrit le rite solennel par lequel Israël accepta autrefois d’entrer dans ce Mystère d’Alliance avec Dieu. En transposant, comme St Jean nous le suggère, le contexte général de ce passage à la Vierge Marie, en déduire le rôle qui est le sien dans la cadre de cette Alliance Nouvelle que son Fils est venu instaurer. Dans le Livre de l’Exode, la référence proposée aux hommes était « le livre de l’Alliance » avec notamment ces « Dix Paroles » données par Dieu à Moïse au sommet du mont Sinaï (Ex 20,1-17). Mais dorénavant, quelle est la référence que Dieu propose à notre liberté (même logique en Mt 5,21-22 ; 5,27-28 ; 5,31-32 ; 5,33-35 ; 5,38-39 ; 5,43-45) ? Mais d’après Jn 17,8, que retrouvons-nous en fait ? Notons enfin que l’expression « le sang de l’Alliance » que Jésus reprendra dans l’institution de l’Eucharistie (Mc 14,24 ; Mt 26,28) n’intervient qu’en Ex 24,8 dans tout l’Ancien Testament…
Allusion au renouvellement de l’Alliance avec Jacob, image des noces, Cana « le Jaloux », conclusion de l’Alliance dans le Livre de l’Exode, tout concourt dans le récit des noces de Cana à diriger notre regard vers l’Alliance que Dieu vit déjà avec tout homme dans l’attente d’être enfin accueilli… Ce miracle est ainsi le signe de l’Alliance nouvelle et éternelle que le Christ est venu offrir à tout homme… Et le grand cadeau de Dieu dans le cadre de cette Alliance est le Don de l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles…
4 – Qu’apprenons-nous en lisant Jn 2,1-3 sur l’attitude de la Vierge Marie à l’égard des hommes ? Sa remarque est le point de départ de tout ce qui suivra… Mais nous dit-on que les jeunes mariés avaient foi en Jésus, qu’ils lui ont demandé quelque chose, qu’ils ont reconnu le don qui leur a été fait… ? Que nous apprennent donc toutes les circonstances de ce récit sur la manière d’agir de Dieu à notre égard ?
Très concrètement, nous avons ici « six jarres de pierre contenant chacune deux ou trois mesures ». Prenons le maximum de « trois mesures ». Une mesure valait 45 litres. Chaque cuve étant « remplie à ras bord », combien avons-nous ici de litres de vin ? Que suggère ce résultat sur la manière avec laquelle Dieu se comporte vis-à-vis des hommes (cf. Jn 10,10 ; Rm 5,20 ; 2Co 1,5 ; 1Th 1,5 ; 1Tm 1,14) ? Mais pour qu’il en soit ainsi, « remplissez d’eau ces jarres », quelle attitude de cœur le Christ attend-il de ses disciples (cf. Rm 1,5 ; 15,18 ; 16,19 ; 16,26) ?
Marie prend donc l’initiative d’intervenir, comme toute maman qui demande un service à son fils. Or la réponse de Jésus peut paraître surprenante. En effet, il lui dit littéralement « Quoi à moi et à toi, Femme ? », une expression unique en St Jean et qui n’intervient dans les autres évangiles que dans le cadre des relations entre Jésus et les démons (cf. Mt 8,29 ; Mc 1,24 ; Lc 4,34 ; 8,28) ! Le P. Vanhoye propose de traduire : « Quelle relation y a-t-il entre moi et toi ? » De plus, Jésus ne l’appelle plus « Mère » mais « Femme » ; il remet donc en question la relation qu’il vivait jusqu’à présent avec elle. Et de fait, à partir des Noces de Cana, Jésus va vraiment commencer son ministère public, et pour cela, il va quitter la maison familiale… Et Marie va l’accepter de tout cœur, tout comme elle acceptera, au pied de la Croix, la mort de son Fils pour le plein accomplissement de son œuvre de salut… Désormais, il ne sera donc plus sous l’autorité directe de Marie (cf. Lc 2,51). Ce sera plutôt l’inverse : Marie le suivra, en disciple de son Fils, avec tous les autres disciples… Un détail le suggère : noter le premier personnage qui intervient dans le récit en Jn 2,1. Jésus n’apparaît qu’après… Or, à la fin du récit, l’ordre est bouleversé : Jésus est en premier, il prend l’initiative, et tous le suivent (Jn 2,12)…
Mais Marie aura toujours une place toute particulière parmi les disciples de Jésus. A l’invitation de son Fils (Jn 19,25-27), elle sera leur Mère, les invitant sans cesse « à faire tout ce qu’il dira », pour qu’ils puissent dans l’obéissance à sa Parole la Plénitude de la Vie… Marie apparaît alors comme étant vraiment « Femme » : elle a donné la Vie au monde en enfantant Jésus, « le Prince de la Vie ». Et en invitant tous les hommes à accueillir son Fils, elle contribue encore pour sa part à les engendrer à la Vie nouvelle de l’Esprit… Marie, « Femme » « bénie entre toutes les femmes » (Lc 1,42), Mère de Jésus et Mère de tous les hommes appelés à croire en Lui, est ainsi « la Nouvelle Eve » de « la Nouvelle Alliance », « Eve » signifiant en hébreu « la mère de tous les vivants » (Gn 3,20)…