33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30) par D. Alexandre ROGALA

Depuis quelques années dans l’Église, nous nous interrogeons sur la place des femmes. Lors de la première session générale du Synode pour une Église synodale à Rome, la question l’ordination des femmes a même été évoquée. Il est assez courant d’entendre des personnes critiquer le modèle patriarcal de l’Église. Moi le premier ! Nous avons tendance à nous souvenir uniquement des versets bibliques qui présentent les femmes comme inférieures aux hommes, et nous généralisons: « Les auteurs bibliques sont tous misogynes ! ». Nous oublions qu’il existe aussi des textes bibliques qui parlent de la femme autrement et qui font son éloge.

La première lecture fait partie de ces textes. Il s’agit d’un extrait du dernier chapitre du Livre des Proverbes (ch. 31) qui est, j’ose le dire, « féministe ».

Ce texte fait le portrait de la « femme parfaite », et celle-ci est l’opposée de la « femme soumise ». Le femme de valeur travaille et prend des initiatives: « Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers » (v. 13). La femme de valeur sait aussi être généreuse et tendre la main aux pauvres (v. 20). Une telle femme est digne de louange ! (v. 30-31)

L’Église est appelée à avoir les mêmes qualités que cette « femme parfaite » de la première lecture si elle veut « entrer dans la joie de son maître ».

Comme la semaine dernière, le texte d’évangile d’aujourd’hui (Mt 25, 14-30) est une parabole prononcée par Jésus dans le cadre du discours eschatologique des chapitres 24-25 de l’Évangile selon saint Matthieu. Jésus veut une fois de plus, nous mettre en garde pour nous éviter une issue négative au jour du jugement.

Le maître de la parabole représente Jésus, et à travers les serviteurs, ce sont les différentes options de comportement des croyants pendant l’absence de Jésus sur terre qui sont décrites.

Une première remarque que nous pouvons faire est que les tâches que les disciples ont à remplir sont distribuées de manière individuelle, car à chacun des serviteurs est confiée une somme d’argent différente « en fonction de ses capacités ». Mais cette différence de capacité, ne s’inscrit pas dans une logique de valeur et de mérite.

Faisons une petite digression, éclairons l’Écriture par l’Écriture, et relisons un extrait du célèbre passage sur les charismes de la Lettre de saint Paul aux Corinthiens qui fait écho à la « parabole des talents » de Jésus:

« Les dons de la grâce sont variés, mais cest le même Esprit. Les services sont variés, mais cest le même Seigneur. Les activités sont variées, mais cest le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de lEsprit en vue du bien. À celui-ci est donnée, par lEsprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans lunique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné dopérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à lun, de parler diverses langues mystérieuses ; à lautre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, cest lunique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier ».(1 Co 12, 4-11)

Quand nous lisons dans la parabole que le maître donne « à chacun selon ses capacités », il faudrait peut-être comprendre « selon la diversité des charismes ». Puisqu’il est un don de l’Esprit Saint, chaque charisme a une grande valeur. D’ailleurs, le « talent » que le maître donne à ses serviteurs dans la parabole est une somme d’argent colossale ! Elle correspond à 6000 deniers, c’est à dire au salaire de 6000 journées de travail. Même celui qui n’a reçu qu’un talent a donc reçu une somme d’argent énorme !

La somme d’argent reçue, comme le charisme, n’implique pas une hiérarchie entre les disciples. Alors qu’au départ, ils n’avaient pas reçu la même somme d’argent, le fait qu’à la fin, les deux serviteurs qui ont agi selon la volonté du maître, soient honorés exactement de la même manière le prouve: « entre dans la joie de ton seigneur »

Disons-le en passant, si à la fin, tout le monde reçoit la même récompense, il est inutile d’envier le talent d’une autre personne.

Regardons maintenant de plus près l’attitude du « serviteur mauvais et paresseux » car c’est justement sur lui qu’insiste Jésus pour nous mettre en garde afin que nous ne nous ne faisions pas comme lui.

D’où vient son inaction ? Pourquoi a-t-il caché le talent dans la terre ?

Le serviteur se sent obligé de se justifier. Il cherche à expliquer son comportement au maître. Il dit: « Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu nas pas semé, tu ramasses là où tu nas pas répandu le grain. Jai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre » (v.24-25).

Le serviteur dit avoir eu peur de son maître. Mais craindre le Seigneur n’est pas quelque chose de positif ? N’avons nous pas lu dans la première lecture que la « femme parfaite est justement celle qui craint le Seigneur ? « La femme qui craint le Seigneur mérite la louange » (Pr 31, 30).

En fait, dans la Bible, la « crainte du Seigneur » désigne le sens de la grandeur de Dieu et la conscience de la distance entre Dieu et nous. En régime chrétien, la « crainte du Seigneur » est un don de l’Esprit Saint qui suscite non seulement une attitude d’humilité et d’émerveillement, mais aussi la prise au sérieux de la volonté de Dieu.

Dans la parabole, la peur du troisième serviteur ne peut pas être le don de l’Esprit Saint, car cette peur l’a complètement paralysé et l’a conduit à faire tout le contraire de la volonté du Seigneur.

La peur du troisième serviteur prend racine dans l’image qu’il se fait de son maître, qu’il considère comme un homme dur. Or, pour nous qui entendons cette parabole aujourd’hui, nous savons bien que cette image ne peut pas s’appliquer à Jésus.

Jésus est tout le contraire d’un maitre dur. D’ailleurs dans ce même évangile selon saint Matthieu, il se définit lui-même par sa douceur: « je suis doux et humble de cœur » (11, 29), et il est capable de montrer sa compassion (9, 36 par ex.).

Alors, écoutons l’exhortation de saint Paul dans la deuxième lecture: « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (1 Th 5, 6).

N’ayons pas peur, et accomplissons avec assurance, la mission qui nous est confiée par le Seigneur selon notre charisme personnel.

Ainsi, le jour où notre Seigneur Jésus reviendra à la fin des temps, « ne nous surprendra pas comme un voleur » (cf. 1 Th 5, 4). Pleins de confiance, nous pourrons aller à la rencontre du Seigneur, et il nous dira, peut-être avec les mots du psalmiste: « Heureux es-tu ! À toi, le bonheur ! »  (Ps 127, 2)

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