L’Ascension (D. Alexandre ROGALA ; Mc 16,15-20)

Aujourd’hui nous fêtons l’Ascension de notre Seigneur. La liturgie nous propose trois textes qui vont nous permettre de mieux comprendre ce mystère.

Dans la fin de l’évangile selon Marc que nous venons d’entendre ainsi que dans la première lecture tirée du livre des Actes des apôtres, après avoir envoyé ses disciples en mission, Jésus est enlevé au Ciel et s’assoit à la droite de Dieu.

Il me semble que nous ne devons pas prendre ces textes au pied de la lettre et imaginer que Jésus se serait envolé vers le ciel comme une fusée. Ce que ces textes cherchent à signifier, c’est que Jésus est auprès de Dieu le Père, et que par conséquent, il n’est plus physiquement présent aux côtés de ses disciples.

Mais cette absence ne doit pas nous attrister.

L’Ascension est certes un départ, mais seulement par rapport à la visibilité et à la temporalité. Chez les Juifs, comme dans beaucoup d’autres cultures d’ailleurs, la « sphère du divin » est spatialement figurée par ce qui est en haut.

Les différents récits de l’Ascension signifient que c’est dans son corps humain que Jésus est devenu participant de la gloire et de la puissance divine.

L’auteur de la Lettre aux Éphésiens le confirme dans la deuxième lecture quand il écrit :

 « Celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux » (Ep 4, 10).

Jésus étant fait de la même pâte humaine que nous, nous pouvons dire que par son Ascension, c’est notre humanité́ qui est entrée dans l’intimité́ de Dieu.

Penchons-nous maintenant sur une citation de l’Écriture que fait l’auteur de la Lettre aux Éphésiens :

« C’est pourquoi l’Écriture dit : Il est monté sur la hauteur, il a capturé des captifs, il a fait des dons aux hommes. » (Ep 4, 8 ; cf. Ps 67 (68), 19 LXX)

Cette citation est en fait un verset légèrement modifié du Psaume 68, qui à l’origine, célèbre une théophanie (manifestation) guerrière de Dieu. Ce verset a été un peu transformé par l’auteur de la Lettre aux Éphésiens afin de pouvoir servir à parler du Christ.

Cette citation du psaume affirme trois choses : 1° que Christ est monté, 2° qu’il a capturé les captifs, et 3° qu’il a fait des dons aux hommes.

Dans un premier temps, l’auteur de la lettre commente sur le premier élément. Il écrit :

« Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers ». (Ep 4, 9-10)

L’image du Christ qui descend jusque dans les régions inférieures de la terre pour ensuite monter au-dessus des cieux, sert à signifier que depuis qu’il a été exalté, le Christ occupe tout l’univers. Dans la mesure où depuis qu’il est monté, il remplit (πληρόω) tout l’univers, nous comprenons que paradoxalement, depuis son Ascension, le Christ n’a jamais été aussi proche de nous.

Ensuite l’auteur de la lettre se penche sur le troisième élément de la citation du Ps 68, à savoir que Christ a fait des dons aux hommes, et précise ce que sont ces dons. Il écrit :

« Et les dons qu’il a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. » (Ep 4, 11)

Autrement dit, les dons que le Christ a fait à l’humanité, ce sont les « ministres de la parole » ; les « ministres de SA parole ». Peut-être qu’il serait même possible d’en déduire que c’est par la mission de ses serviteurs que le Christ occupe tout l’univers.

D’ailleurs, en disant cela je repense à une homélie que l’évêque américain Robert Barron a prononcé pour la solennité de l’Ascension il y a quelques années. Dans cette homélie, l’évêque a comparé Jésus à un chef de guerre. Il a commencé son homélie en disant que pendant son ministère publique, Jésus avait été comme un soldat sur le champ de bataille : son champ visuel était réduit. Mais à l’Ascension, comme un chef de guerre, Jésus a pris de la hauteur pour avoir une vue sur tout le champ de bataille, et diriger d’en haut ses armées de saints et d’évangélisateurs dans le monde.

Il y a une autre raison pour laquelle cette image de « chef de guerre » est intéressante. Pour le comprendre, regardons d’abord quels sont les ministres cités par l’auteur de la Lettre aux Éphésiens. Il mentionne : « les Apôtres, les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent ». Autrement dit, il mentionne uniquement les ministres de la parole qui sont chargés de répandre et d’actualiser le message de l’Évangile. L’auteur de la Lettre aux Éphésiens ne mentionne : ni les diacres, ni les presbytres (prêtres), ni les épiscopes (évêques) qui étaient pourtant des fonctions connues au moment où il écrit à la fin du Ier siècle.

Pensez-vous qu’il s’agit d’un simple oubli ? Personnellement, je pense plutôt que l’auteur de la Lettre aux Éphésiens omet volontairement les fonctions liées à l’autorité pour nous rappeler l’autorité souveraine exclusive du Christ sur son Église.

Le mot « chef » en français vient du latin caput qui veut dire « tête », et un corps n’a qu’une seule tête. Par conséquen, le Corps du Christ, l’Église, lui aussi n’a qu’une seule tête : le Christ. Il est important de se le rappeler ! Aucun curé, aucun évêque, pas même le pape ne sont nos chefs. Même s’ils ont une responsabilité plus ou moins importante dans l’Église, et que nous leur devons respect et obéissance, nous devons les considérer comme de simples collaborateurs et nous mettre avec eux au service de l’Évangile.

« De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4, 12-13).

Tous ensemble, laïcs et clercs, nous sommes en marche dans la même direction, nous avançons vers un même but.

Alors, peut-être qu’en ce jour où nous célébrons l’Ascension de notre seul et unique tête Jésus Christ, nous pouvons demander pour l’Église, la grâce de l’unité et celle d’un exercice de l’autorité plus conforme à l’Évangile.

Amen !

Bref, Dieu a voulu faire monter jusqu’à lui la chair de l’homme pour qu’elle participe à la vie divine. C’est une Bonne Nouvelle

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