Commentaires des Lectures du jeudi 14 Mai 2015
Actes 1, 1-11 (« Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva»)
Cette ouverture du Livre des Actes, lue chaque année à cette fête, assemble avec vivacité trois épisodes brefs : un prologue, un ultime dialogue, et l’enlèvement de Jésus.
1. Le prologue s’adresse à Théophile, destinataire du «premier livre», c’est-à-dire de l’évangile de Luc. Pour cet auteur, la mission du Christ a pour «commencement» son baptême par Jean. Dans l’évangile, Luc place l’Ascension au soir de Pâques. Au début des Actes, il la situe au bout de quarante jours d’apparitions qui préparent les disciples à leur mission en rappelant l’essentiel du message de Jésus : «le royaume de Dieu». Ce sont deux manières de présenter, dans le temps, un mystère qui échappe au temps. En d’autres termes, au-delà de ces incohérences chronologiques, la résurrection du Seigneur et son Ascension (Luc seul parle d’une ascension !) sont deux manières sublimes de raconter le même mystère pascal.
2. L’ultime dialogue s’articule ainsi : les Apôtres vont être baptisés dans l’Esprit Saint, comme Jésus le fut, au seuil de sa mission. Lecteurs des prophètes, ces témoins pensent que la fin des temps arrive, puisque l’Esprit revient, et que Jésus va restaurer le royaume pour Israël. Qu’ils se détrompent ! La fin des temps et de l’histoire relève de la seule décision du Père. Elle ne se calcule pas. Auparavant, l’Esprit fera d’eux des prophètes, témoins de Jésus, «jusqu’aux extrémités de la terre».
3. La scène de l’ascension est sobre : «* eux regardant il s’éleva», comme Élisée avait vu partir Élie et avait hérité de son Esprit (1 Rois 2). L’accent porte sur l’intervention des deux êtres «en vêtements blancs», des anges. Par eux, le Ciel confirme notre espérance (le Christ viendra), mais nous interdit toute attente béate et stérile.
* « Eux regardant…, à leurs yeux…, ils fixaient le ciel…, pourquoi… regarder vers le ciel…, de la même manière que vous l’avez vu. » Cinq mentions de «vision» pour treize lignes du lectionnaire. La clé de cette insistance se trouve dans la scène de l’ascension d’Élie en 2 Rois 2, 1-14, où se trouve la même insistance : Élisée recevra la plénitude de l’Esprit prophétique d’Élie s’il voit l’enlèvement céleste de son maître. Et il le voit ! Or, pour saint Luc, Jésus est le nouvel Élie. Comme Élisée hérita de l’Esprit prophétique d’Élie, de même les Apôtres hériteront, à la Pentecôte, de l’Esprit de Jésus.
Éphésiens 4, 1-13 (« Parvenir à la stature du Christ dans sa plénitude »)
La 1ère partie de la lettre (Éphésiens 1–3) exposait le «mystère» de Dieu, c’est-à-dire son plan de salut : par son Ascension, le Christ a reçu une stature cosmique et il réconcilie le monde avec le Père. Ce projet commence à se réaliser dans l’Église qui unit en son sein, au temps de l’Apôtre, des gens aussi opposés que des Juifs et des païens et, en notre temps, bien d’autres groupes encore.
Il reste à l’Église à devenir ce lieu de réconciliation qu’elle est déjà selon «la vocation à une seul espérance». Pour cela, qu’elle travaille d’abord à sa propre unité. Qu’elle donne au monde un témoignage de paix, dans l’unité d’un même Esprit, vibrant dans une même espérance, sous le regard du Père de tous. Et comment le peut-elle ?
Grâce à l’ascension du Christ. Ici, l’auteur reprend une lecture juive du Psaume 67 (68), 11 : Moïse «est monté sur la hauteur» (le Sinaï) ; il a entraîné à sa suite «des captifs», une désignation biblique du peuple en exode ; «il a fait des dons aux hommes» (les commandements). Mais l’Ascension de Jésus est supérieure à celle de Moïse. Ayant tout pouvoir sur l’univers, le Christ donne aux chrétiens leurs ministres (apôtres, prophètes, missionnaires [ou «évangélisateurs ). Ceux-ci aident l’Église, si elle est fidèle à sa vocation, à prendre sa place dans le monde et à former «l’Homme parfait», l’humanité adulte qui trouvera son unité dans le corps du Christ.