« Qui est Dieu pour moi ? » 19ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 14, 22-33) – Homélie du D. Alexandre ROGALA

Il y a quelques années, quand j’étais à la paroisse de Drancy, je discutais avec une paroissienne au sujet de son fils. Elle racontait que celui-ci était très pieux et très proche du Seigneur, et que la prière de son fils était tellement puissante et efficace, que lorsque quelqu’un lui faisait du mal, à elle ou à son fils, celui-ci priait, et Dieu punissait toujours la personne qui avait mal agi.

Cela signifie que pour cette dame, Dieu est Celui qui punit les méchants, et protège ses fidèles. Cette conception de Dieu peut nous faire sourire, mais elle existe bel et bien dans la Bible. Par exemple, dans le livre des Psaumes nous lisons:

« (Le juste) est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira, tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent…Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra » (Ps 1, 3-4; 6)

Et pour moi ? Qui est Dieu ? Quelle idée est-ce que je me fais de Lui ?

 

Il me semble que les textes que nous propose la liturgie ce dimanche peuvent nous aider à corriger certaines idées fausses que nous pouvons nous faire sur Dieu.

Commençons par nous laisser instruire par le Seigneur en même temps que le prophète Élie. La première lecture est un extrait du chapitre 19 du Premier Livre des Rois dans lequel Dieu vient à la rencontre d’Élie.

Le début du texte nous signale qu’Élie est arrivé à l’Horeb, la montagne de Dieu. Si nous ouvrons notre Bible pour regarder ce qui se passe avant, nous comprenons que si Élie est venu à la montagne de Dieu, ce n’est pas pour le rencontrer, mais c’est parce qu’il est menacé par la reine Jezabel. Élie a pris la fuite pour sauver sa vie. Plein de zèle pour le Seigneur, Élie avait lancé un défi aux prophètes de Baal sur le mont Carmel:

 « Amenez-nous deux jeunes taureaux ; quils en choisissent un, quils le dépècent et le placent sur le bûcher, mais quils ny mettent pas le feu. Moi, je préparerai lautre taureau, je le placerai sur le bûcher, mais je ny mettrai pas le feu. Vous invoquerez le nom de votre dieu, et moi, jinvoquerai le nom du Seigneur : le dieu qui répondra par le feu, cest lui qui est Dieu. » La foule répondit : « Cest daccord. » » (1 R 18, 23-24)

Évidemment, comme le dieu Baal n’existe pas, le taureau qu’avait préparé les prophètes de Baal n’a pas été consumé, alors que quand Élie a prié le Seigneur:

« le feu du Seigneur tomba, il dévora la victime et le bois, les pierres et la poussière, et leau qui était dans la rigole. » (1 R 18, 38)

Au mont Carmel, Dieu s’est manifesté par un feu dévorant et destructeur. Élie en a déduit que puisque le Seigneur s’était manifesté avec une puissance dévorante et destructrice, en tant que prophète, il devait lui aussi « détruire ». Et avec l’aide du peuple, Élie a égorgé tous les prêtres de Baal. La reine Jezabel avait donc une bonne raison d’en vouloir à Élie.

Dans le texte d’aujourd’hui, Dieu rectifie l’idée fausse que se fait le prophète Élie sur Lui. Même si au mont Carmel, Il s’est manifesté avec puissance, Dieu n’a jamais voulu la mort de l’homme pécheur (cf. Ez 18). C’est pourquoi, à l’Horeb Dieu choisit de ne se manifester ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Autrement dit, Dieu fait le choix de ne pas se manifester dans un élément destructeur.

Au contraire, le texte nous dit que Dieu se manifeste dans « le murmure d’une brise légère ». Littéralement, il faudrait traduire dans « une voix, un silence subtil ». Il y a ici une contradiction. Comment une voix peut-elle être silencieuse ? En employant cet oxymore, il est possible que l’auteur sacré veuille nous parler de la manière dont Dieu entre en relation avec l’homme. Quand Dieu nous parle, nous ne percevons pas sa voix avec notre système auditif, mais avec les oreilles de notre cœur.

Ce que la première lecture nous enseigne sur Dieu, c’est que que bien qu’il possède la puissance de tout détruire, Dieu est doux. Dieu se fait connaître non par la destruction, mais par sa parole. Dieu parle au cœur de l’homme.

La deuxième lecture est tirée de la Lettre aux Romains. Dans cette lettre, saint Paul prépare sa visite prochaine à Rome. Il souhaite recevoir un accueil favorable de la part des chrétiens de cette ville. Paul est juif, et qu’il est fort possible que la communauté chrétienne de Rome au milieu du Ier siècle était composée majoritairement de croyants issus du paganisme. Si les croyants d’origine juive étaient minoritaires dans la communauté chrétienne de Rome, comme toute minorité, il est probable qu’ils aient été un peu méprisés par le groupe majoritaire, celui des pagano-chrétiens. Dans sa lettre, saint Paul rappelle aux chrétien romains que « les dons gratuits de Dieu et l’appel dont a bénéficié le peuple d’Israel sont sans repentance » (cf. Rm 11, 29). Dans l’extrait du chapitre 9 que nous avons entendu aujourd’hui saint Paul leur parle de la place particulière des juifs dans le dessein de Dieu:

« Ils ont ladoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; ils ont les patriarches, et cest de leur race que le Christ est né ».

Qui est Dieu pour saint Paul ? Dieu est un dieu qui non seulement entre en relation avec l’être humain, mais qui désire aussi partager sa gloire avec lui. C’est ce plan de Dieu pour l’homme qui est la raison d’être des alliances.

L’évangile d’aujourd’hui est la version matthéenne du récit de la marche de Jésus sur la mer. Si nous comparons le récit de Matthieu de cet épisode, avec ceux de Marc et de Jean, nous remarquons qu’il a deux éléments en plus. La demande de Pierre à Jésus de pouvoir le rejoindre sur la mer, et la confession de foi des hommes qui se trouvent dans la barque, qui reconnaissent que Jésus est Fils de Dieu: « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! ».

Je voudrais m’arrêter dans un premier temps sur la confession de foi des disciples dans la barque, car elle signale au lecteur, que dans ce récit de la marche sur les eaux, c’est surtout la divinité de Jésus qui est soulignée. D’ailleurs, dans la Bible, marcher sur la mer est un privilège divin. Par exemple, dans le Livre de Job, nous lisons à propos de Dieu:

« À lui seul il déploie les cieux, il marche sur la crête des vagues » (Jb 9, 8).

À cela, ajoutons que la réponse de Jésus pour rassurer ses disciples: « c’est moi » (ἐγώ εἰμι, égô eimi) fait possiblement référence au nom divin dans le récit du buisson ardent en Ex 3 dans la version grecque de la Septante.

Dans la première lecture, nous avons vu que Dieu a corrigé l’idée fausse que se faisait le prophète Élie sur Lui, en le prenant pour un Dieu de vengeance et de fureur. Il me semble que dans l’évangile  aussi, Jésus corrige une idée erronée sur sa personne, et donc sur Dieu.

Si nous jetons un coup d’œil sur le récit qui précède la marche sur les mer, nous voyons qu’il s’agit de celui de la multiplication des pains, dans lequel Jésus nourrit cinq mille personnes.

Nous imaginons bien que les disciples et la foule auraient préféré rester avec Jésus après ce miracle. Mais Jésus les renvoie tous les deux. Pour les disciples, ce renvoi est sans aucun doute difficile car le texte nous dit que « Jésus obligea les disciples à monter dans la barque ».

Le premier enseignement de Jésus sur Dieu, c’est que Dieu n’est pas un distributeur de miracles. Le croyant ne doit pas rester auprès du Seigneur dans le seul but de pouvoir obtenir de Lui quelque chose. D’ailleurs, si nous réfléchissons, nous connaissons tous des personnes qui se sont éloignées de l’Église parce que leurs prières n’ont pas été exaucées.

Alors qu’ils viennent tout juste de vivre une expérience spirituelle forte pendant la multiplication des pains, les disciples se retrouvent au cœur d’une tempête. Alors que la barque est malmenée par les vagues, Jésus vient vers eux marchant sur la mer, symbole de la mort et des forces du mal.

Nous avons ici un deuxième enseignement. Lorsque dans nos vies, nous affrontons des tempêtes, le Ressuscité vient à nous et nous dit: «  Confiance ! cest moi ; nayez plus peur ! ». Face aux situations difficiles, face aux problèmes, même ceux qui paraissent insurmontables, Dieu nous invite à la confiance.

Alors, qui donc est Dieu ? Faisons un bilan.

La première lecture nous a enseigné, que Dieu ne désire pas la mort des gens qui le rejettent, et que Dieu parle avec douceur au cœur de l’homme.

Dans la deuxième lecture, saint Paul est allé plus loin que l’auteur du Premier Livre des Roi, en nous enseignant que Dieu a toujours désiré diviniser l’être humain, et ce dessein est la raison pour laquelle Il s’est choisi un peuple avec qui il a fait alliance.

Enfin dans l’évangile, nous avons vu que si Dieu n’est pas un distributeur de bienfaits à la demande, ce qui est certain, c’est qu’il n’abandonne jamais le croyant. Dieu vient à sa rencontre dans les moments les plus difficiles, le réconforte et l’invite à la confiance.

Nous avons évoqué plus haut, un deuxième élément propre au récit de Matthieu. Il s’agit de la demande de Pierre à Jésus de pouvoir le rejoindre sur les eaux. Ce passage nous dit quelque chose de l’attitude que nous devons avoir en tant que disciple du Christ.

Pierre a écouté Jésus et a bien compris l’exhortation de Jésus à la confiance. Il demande donc à Jésus le courage de pouvoir s’aventurer hors de la barque et de marcher à son tour sur la mer. Mais saint Pierre est comme nous. Il prend peur quand le vent souffle trop fort.

Mais heureusement, comme Dieu le Père, Dieu le Fils (Jésus) connait la faiblesse de notre foi, et il entend celui qui crie: « Seigneur ! Sauve-moi ! ».

Demandons donc au Seigneur de nous accorder la grâce de toujours lui faire confiance jusqu’au jour de notre mort. Amen !

                                                                                   D. Alexandre ROGALA

 

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